agir-et-reagir

18.10.06

La guerre au Liban prophétise t elle une lutte fratricide durable ou est elle un des derniers soubresauts de régimes tyranniques mourants ?

Août 2006

La guerre qui se livre en ce moment entre un Etat d’Israël « jusqu’au boutiste » et un Hezbollah qui joue de ses boucliers humains pour rester insaisissable choque notre humanité par la dureté des combats et le déchaînement de violence aveugle auquel les deux belligérants ont recours.
Manifestement, nos deux larrons, voleurs de vies, d’argent (le nerf de la guerre) et surtout d’espoir semblent avoir rempli leurs objectifs réciproques.

Pour le Hezbollah :

Empêcher un Liban qui s’affranchissait ces derniers mois de l’influence syrienne néfaste d’accéder à une souveraineté pleine et entière et à la prospérité dont il a été privé depuis trop longtemps. Distraire les forces armées israéliennes et celles de leurs alliés américains d’un Iran dont le programme nucléaire était la cible des attentions. Montrer au monde que le terrorisme est déterminé et indéracinable militairement, même par les plus vigoureuses opérations. Maintenir l’Etat impuissant et corrompu qui lui permet de justifier sa présence et son « impôt » dont une partie finance la lutte armée (le reste du financement occulte provenant probablement de la Syrie et de l’Iran), mais dont un part sert aux habitants (établissements éducatifs, crèches... bien sûr partisans, mais qui occupent un terrain laissé à l’abandon).

Pour les faucons Israéliens :

Relancer la demande d’armes et de munitions des fournisseurs amis du pouvoir. Se mettre, en épuisant Tsahal dans une chasse à la chimère perdue d’avance, en situation de faiblesse (car il est difficile de croire que les services secrets israéliens aient tant perdu la main qu’ils aient pu sous estimer à ce point les stocks de roquettes au Liban Sud). Ceci pour impliquer tous les occidentaux dans la prétendue « guerre de civilisation » qu’ont décrété les Néo Conservateurs américains, leurs alliers fanatiques en Israël, et leurs laquais du Royaume Uni (peut être bientôt à cette liste devra t on ajouter leur admirateur qui se présentera l’an prochain aux élections présidentielles françaises). Sachons le : Israël s’affaiblit, et l’on nous demandera bientôt de choisir entre l’OTAN et « l’Axe du Mal ». Enfin, plus ignoble que tout, souiller les mains et les âmes de la jeunesse israélienne dans des combats ineptes et sanguinaires. L’impliquer dans ce gigantesque crime inqualifiable. L’obliger à se trouver des prétextes pour porter le poids d’une telle responsabilité.



Certains objectifs sont convergents comme ne laisser aucune distance pour apprécier les événements, et radicaliser les esprits (pour mieux exclure les divergents, et mieux justifier son propre extrémisme) ; et surtout empêcher à tout prix le développement harmonieux au Liban, qui présente un visage cosmopolite et affichant une belle diversité religieuse (au moins pour la région !) inadmissible.

Depuis le document de Genève de 2003, la Paix était redevenue possible (aucun hasard dans le fait qu’elle émane d’acteurs « privés », tous d’anciens officiels). Sharon le faucon menait une surprenante et prometteuse politique de désengagement unilatéral, malgré l’érection du « mur de la honte ». On pouvait tout du moins s’imaginer qu’à son départ les bases du règlement définitif soient adoptées.

Il devenait urgent pour nos larrons de le mettre hors jeu et d’embraser à nouveau la région, de figer les camps et de resserrer les lignes lasses de leur incapacité à mener à la Paix. Ils sont malheureusement parvenus à remplir tous ces macabres objectifs.

Les Etats arabes continueront donc de se battre pour « rayer Israël de la carte » et tenir leur vieille promesse, mainte fois contrariée, de « jeter les juifs à la mer ». Ils continueront pour cela à financer des groupes armés qui se prétendent dignes résistants mais qui frappent à l’aveugle les civils. A maintenir son peuple dans l’obscurantisme et la désinformation (combien de fois ai je lu « le martyr s’est fait sauter dans un bus de colons et de militaires » ? Courrier International à reporté maintes fois les efforts inquiétants pour limiter le bien être et la prospérité du peuple, notamment en Irak).

Israël continuera à faire vivre sa population dans la crainte d’une défaite qui ne leur laisserait aucune échappatoire, justifiant une politique inique qui se complaisait à dénoncer la corruption et à se féliciter du sous développement de ses voisins, notamment palestiniens. Tout cela en faisant croire tant bien que mal que non seulement son intérêt ne passe pas par la prospérité de la région, mais qu’il sont même antinomique avec celui des Etats arabes qui doivent rester misérables pour ne pas devenir militairement dangereux. Les juifs orthodoxes vont monter en puissance, et continuer à dénaturer le Judaïsme par leurs interprétations grotesques et intéressées, peut être jusqu’au schisme.

Des visions d’horreur m’assaillent.

Ce sont ces civils palestiniens qu’on a laissé se noyer lors du retrait israélien d’une plage dangereuse à Gaza. Ce sont ces jeunes à peine majeurs qui auront pour rituel de passage à l’âge adulte des bombardements sur des cibles civiles. Ce sont deux peuples frères qui se tuent et se laissent mourir.

Ce sont aussi ces tirs à l’aveugle du Hezbollah sur le quartier arabe de Haïfa le 7 août, et le maire de la ville qui les regrettait amèrement et réaffirmait sa fierté envers sa ville cosmopolite qui vivait en bonne intelligence. Enfin une étincelle d’espoir qui émerge du noir. Nous ne voulons plus savoir à qui est le sang qui coule, nous voulons tarir ce fleuve infâme. Et nous commençons à le faire savoir.

Peut être que ces massacres ne sont ce que les derniers tressaillements d’une idéologie tyrannique mourante, les crimes de chaque régime servant de prétexte à l’asservissement de son propre peuple. Ainsi que nous l’avons vu pour de nombreuses dictatures : lorsque le glas sonne, tout est tenté dans la précipitation et la violence extrême.

Alors que les radicaux s’acharnent, les modérés prennent peur devant la monstruosité des visages dévoilés par la chute des masques. Agora Vox a été (et demeure) un théâtre privilégié pour ce spectacle. Si le sujet n’était pas si grave on pourrait presque rire devant la fragilité des arguments avancés par les uns et les autres, leurs sources obscures tellement partisanes (quand ils n’usurpent pas eux-mêmes des titres ronflants), les raccourcis simplistes, les disqualifications raciales, religieuses ou culturelles, le poisson noyé cent fois, les joutes à coup de sourates et de versets, et surtout la rage aveugle et manichéenne de certains intervenants.

Pourtant on ne s’oppose pas éternellement à la marche de l’Histoire. C’est une prise de conscience qui s’élève comme une énorme lame de fond, et elle emportera tôt ou tard tout sur son passage : les renards du pouvoir et les loups qui attendent leur heure. C’est la prise de conscience que le destin des uns est dépendant de celui des autres. Que la Paix ne se fait pas seul et égoïstement. Que celui qui me fait face est de la même humanité que moi. Que les guerres ne sont plus des questions de survie, malgré tous les efforts pour nous le faire croire et nous mettre dans des impasses. Nous réalisons que depuis trop longtemps nous ne nous battons pas pour notre Peuple, ni même notre Nation ou notre Etat, mais pour les intérêts des menteurs cyniques qui nous gouvernent.

C’est une lutte sans fin entre l’humanité et ses démons qui doit nous préoccuper. Elle comporte déjà tant d’épisodes, de cycles alternant oppression et libération. Il nous faut briser la spirale et reprendre la main. Elle doit commencer dans notre for intérieur et s’étendre à nos proches. Il nous faut recommencer à poser les bonnes questions et cesser de l’éterniser sur l’inextricable comptabilité des responsabilités car « Two wrongs never made a right ».

Nous aurons gagné quand au choix prétendument impératif qui nous est laissé « Il vous faut les détruire ou mourir », nous serons capables de répondre aux responsables de nos malheurs « Nous ne ferons ni avec vous, ni contre vous. Nous ferons sans vous ».

Espérons juste que nous aurons le temps nécessaire pour que s’essoufflent les fondamentalismes et que Osamu Nishibe se trompait lorsqu’il affirmait en 2005 que sur la planète, « seuls 600 000 personnes, 6 millions au grand maximum, garderont leur lucidité ».

A nous de faire partie de ceux-ci et d’en grossir le nombre.