agir-et-reagir

18.10.06

Les Révolutions d’hier sont elles encore envisageables de nos jours ?

Le progrès technologique qui fait qu’un infime minorité de militaires professionnels et bien équipés peut tenir un pays n’oblige t elle pas à changer notre conception de la révolution ?



I En France le Pouvoir n’a jamais hésité à réprimer dans le sang les émeutes révolutionnaires.

Pas la peine de remonter très loin pour voir des répressions disproportionnées : 150 CRS qui ont bien mariné, qui ne sont ni formés qui équipés ni ordonnés pour arrêter mais pour neutraliser, et ravis de casser du " gauchiste ", chargèrent contre 35 étudiants terrés dans la Sorbonne lors des occupations contre le CPE (étudiants qui ont quand même exagéré en lançant des objets denses d’une hauteur de plusieurs étages, bien que la peur fait prendre des décisions inconsidérées). On imagine la réaction qu’aurait l’Etat face à un risque révolutionnaire réel... et on en frémit !

D’ailleurs il devenait de plus en plus difficile pour les insurgés de faire basculer la tête de l’Etat. Il faut croire que les deux guerres mondiales ont conduit à mettre en place des dirigeants plus conscients de l’importance de l’Opinion publique pour remporter les élections, puisque le temps passant les courants principaux en compétition ont divergé de moins en moins radicalement, la victoire ou la défaite dans les urnes tenant désormais à des détails. Dès lors la répression radicale n’avait plus de raison d’être.
Notre dernière " Révolution " est l’œuvre des 68ards qui, après un mai qui leur servit de prise de conscience, et une fois majoritaires dans la vie active ont confisqué le pouvoir et renversé l’ordre établi. Ils ont modelé une société à leur image, d’incurie, d’insouciance, pendant que les hommes politiques ont à l’abri des regards des gentils contribuables détourné ou gâché les fruits des 30 glorieuses sans songer que le rêve aurait une fin au début des années 70.

Aujourd’hui leurs enfants sont plus renards que jamais, et déterminés à verrouiller la machine. C’est pour eux, contrairement à leurs parents, une question de survie de leurs acquis. Il ne reste guère plus que des privilégiés à vie ou des galériens à vie dans notre France sans mobilité sociale (je le répète souvent, mais c’est tout de même la pire d’Europe derrière la Roumanie).



II La question de la Révolution se pose différemment pour les populations arabes et africaines.

1 Celles-ci n’ont jamais pu (ou su) prendre leur destin en main.

Leurs despotes sabotent méthodiquement tout espoir de prospérité de leur pays pour ne se préoccuper que de leurs profits personnels, souvent en vendant au plus offrant des néocolonialistes leur Nation (et ses habitants dès que possible. Pensez à la prostitution enfantine, aux trafics d’organes, à la main d’oeuvre exportée à Dubaï sans espoir de retour).

En Asie certaines dictatures sont tout aussi liberticides mais leur patriotisme, leur cohésion sociale et une discipline culturellement ancrés entraînent une certaine prospérité économique dont certes peu profitent mais qui n’est pas contestable. D’autres dirigeants ne sacrifieraient pour rien au monde leur condition d’Etat manufacture, de peur de voir fuir les capitaux.


2 On a souvent mis la corruption de ces Etats sur la sellette comme cause du manque d’ambition nationale de leurs dirigeants

En réalité il semblerait que le lobbysme n’est qu’une forme de corruption contraint à la légalité par la prospérité de l’Etat et sa capacité à affronter les pressions extérieures, et que l’un se substitue à l’autre. Et le lobbysme peut être un facteur d’aide à la décision appréciable quand il est correctement canalisé. Il faut donc passer par une phase ou cette souveraineté sans faille s’exprime, le temps de mettre le pays sur de bons rails.


III D’où attendre la Révolution ?


1 Celle-ci peut venir de l’intérieur

Un homme ou un groupe providentiel peuvent tout changer depuis le pouvoir. Lequel se trouverait à la tête de l’Etat ou parviendrait à influencer suffisamment ses dirigeants (le roi Juan Carlos d’Espagne avait une légitimité historique, Napoléon une légitimité charismatique et les révolutionnaires de 1789 une légitimité rationnelle mais l’air de rien, sans les Etats généraux convoqués par un Louis XVI volontaire pour rétablir la situation financière du Pays...).

Ou bien une véritable Révolution peut avoir lieu, au sens du basculement des institutions et de ses membres. Peut on imaginer que des Etats tyranniques soient aujourd’hui basculés ? S’ils n’ont jamais connu la liberté, il est délicat de croire qu’ils puissent suffisamment apitoyer le Pouvoir ou bien se mettre l’armée de son côté (un cas exceptionnel cependant : la Révolution des œillets au Portugal) pour ne pas être cruellement et continuellement balayés. Il reste à attendre que le " ras le bol " soit suffisant pour entraîner une révolte longue et généralisée qui conduit normalement à l’arrivée au pouvoir du groupe le plus violent et le mieux organisé. A ce moment la révolution peut se faire " de l’intérieur " ou on est repartis pour un tour.

Fait intéressant : si le peuple a le droit de vote, les urnes lui donnent généralement l’occasion de se jeter lui-même dans la gueule du loup que ce soit en Palestine avec le Hamas ou en France avec un vote sanction qui se cristallise autour de J. M. Le Pen, un peu comme en 1933 avec l’accession légale d’Hitler au pouvoir (à bon entendeur).

2 Il nous reste deux types d’interventions extérieures

Les " révolutions Oranges " à l’Ukrainienne, très appréciées des média et conçues comme un plan marketing, pacifiques mais qui sont pour la plupart payées par une puissance étrangère qui compte sur un bénéfice ultérieur (en l’occurrence les USA).

Deuxième type d’intervention extérieure : l’invasion et le remplacement des institutions, en finançant, entraînant et armant une guérilla ou par l’utilisation de son armée régulière. Au mieux on a une dictature militaire (Amérique du Sud), et au pire un chaos généralisé voire une guerre civile latente ou déclarée (Irak).



IV Comment mener les prochaines révolutions ?


1 Que souhaiter à l’Afrique et aux Etats arabes dictatoriaux ?

Laisser le régime décliner avec la décadence de ses élites. Il nous faut accepter que ces pays fassent leur maturation politique, c’est long et ça nécessite qu’ils aient la même souveraineté que celle des pays industrialisés.

En attendant éviter le néocolonialisme qui ne fait qu’entretenir les groupes armés qui alternent au pouvoir selon lequel est le plus favorable aux entrepreneurs et financiers étrangers. Encourager les zones de libre échange entre pays de même développement économique pour passer outre la concurrence des pays développés et autres Dragons industrialisés. Autre mesure capitale : assécher financièrement les groupes obscurantistes et radicaux qui prospèrent sur le malheur de la population. Ce qui signifie qu’une grande traçabilité financière, entre autres, est capitale pour débusquer leurs bailleurs de fonds et leurs fournisseurs en armes et munitions, pour beaucoup occidentaux.
Pour éviter une débordement d'optimisme, je dirais que l'Afrique n'a jamais eu l'intimité qu'ont eu les Etats occidentaux pour se construire. L'Afrique a depuis des siècles subi une ingérence néfaste qui l'a empêché de choisir son destin et qui, il faut l'avouer, a permis à ses dirigeants de trouver des bouc émissaires tout désignés.



2 En Occident la révolution est à réinventer

Elle se fera principalement par la mise en lumière de l’action du gouvernement. Sa visibilité le contraindra a devenir plus responsable, et a terme le régime devrait devenir démocratique avec l’appropriation des débats publics par des prescripteurs d’opinions plus fragmentés et plus critiques. Aujourd’hui ce sont les mass media qui posent les questions et suggèrent les réponses.

Pour l’instant les classes dirigeantes et les mass médias ne se rendent pas tout à fait compte que leurs actions sont décortiquées par le proNétariat, mais l’ouverture de l’option forum sur http://www.libération.fr va faire tomber les écailles de certains yeux (sauf si le mépris de la plèbe est trop fort). On peut même voir de véritables cahiers de doléances sur http://www.jeneveuxplus.net, sans éviction d’un seul courant politique.

La violence qui s’exerce sur la population est plus insidieuse mais non moins palpable. Si vous en doutez, je vous recommande de faire un peu de social dans les banlieues, vous serez surpris. Si vous avez peur de la différence demandez à un jeune diplômé combien d’années de stages sous payées il a enchaîné avant son premier emploi décent (si c’est chez papa qu’il travaille, ça ne compte pas bien sûr).

La prise de conscience sera difficile en raison de l’omniprésence télévisuelle (4h en moyenne par jour et par personne) et de la prise intense de psychotropes (de 33 à 43% de la population sous antidépresseurs lourds selon Bruno Etienne). Malgré tout la défiance se généralise puisque 69% des français ne font aujourd’hui confiance ni à la Droite ni à la Gauche pour réformer le pays.



3 A quoi s’attendre ?

Il est à craindre que notre prochaine Révolution se fasse au bénéfice, une fois de plus, d’une minorité active et cynique. La faillite de l’Etat devrait aboutir à une oligarchie façon Russie de Poutine, puisque même le petit Bush ne semble pas déterminé à assainir l’Etat mais seulement à le dépecer au profit de ses généreux amis.

Mais peut être que pour la prochaine nous serons prêts à choisir notre destin. A savoir non seulement ce dont nous ne voulons plus, mais aussi à imposer ce que nous voulons.

Sans vouloir préjuger trop hâtivement du meilleur système, commençons à y réfléchir car c’est le premier pas.

En ce qui me concerne, je crois que les femmes auront le beau rôle lors de prochaines Révolutions. Les étudiantes en guerre contre le CPE ont été déterminées, courageuses, soucieuses de leur avenir, sans inhibitions quant à leur engagement et très humaines.

Elles sont surtout au final bien plus réalistes que les hommes trop sûrs de leur capacités et incapables d’apprécier rationnellement l’impact de l’échec d’une société sur leurs propres vies.