agir-et-reagir

13.11.07

Le Mirail bloqué, l’Université de l’Arsenal vote la grève



L'Université Toulousaine du Mirail a été ces dernières années une des facultés le plus vite et le plus fréquemment bloquée. La mobilisation contre la loi Pecresse n'a pas fait exception. Pourtant l'UT1 dite de "l’Arsenal", plus discrète, tenait ce mardi 13 novembre sa troisième assemblée générale. 350 étudiants se sont réunis de 12h30 à 14h10 pour discuter de la loi sur la réforme de l’université de sciences sociales et de droit, et soumettre au vote la reconnaissance ou par l’AG de la grève contre cette réforme.

A l’entrée de la Faculté, des vigiles privés contrôlaient les cartes d’identité des étudiants qui se présentaient, refusant les étudiants de l’Institut d’Etudes Politiques dont les locaux se trouvent pourtant de l’autre côté de la rue, et de l’Institut Universitaire de Technologie, et qui tous deux dépendent de l’Université des Sciences sociales. Habillé en costume-cravate et m’étant présenté par une entrée secondaire, les vigiles n’ont même pas jugé nécessaire de vérifier mon appartenance à l’Université ou mon identité.

Dans une atmosphère relativement sereine, et très au dessus des standards de respect généralement observés dans les AG de facultés de Lettres ou de personnels administratifs, s’est déroulé un débat contradictoire entre partisans de la grève et leurs opposants.

Les questions et interventions avaient un air de « déjà-vu » pour qui a assisté aux mobilisations anti-CPE. Peu de remise en cause du mouvement contre la loi LRU sur le fond, mais beaucoup de questions sur la légitimité de l’AG, ou de la signification de son vote. Il fut dit que les AG étaient trop peu représentatives en nombre, 350 personnes étant présentes sur les 17 000 étudiants. A quoi il fut répondu que tous pouvaient venir faire entendre leur voix et son vote et que la petitesse, réelle, de l’amphi limitait les capacités d’accueil. Par ailleurs, le Bureau clamait sa bonne foi en expliquant que les AG précédentes n’avaient pas abouti à un vote de la grève, justement pour cette volonté de légitimité. Le classique « essayons la LRU et voyons » n’a pas convaincu l’assemblée, il est vrai majoritairement opposée à la loi Pécresse. Le débat à raté la question de savoir ce que l’orientation de l’Université vers l’entreprise, voire même une privatisation partielle, pourrait apporter aux étudiants, et quels étaient les vrais inconvénients de cette réforme. Faute d’avoir assumé l’orientation libérale du texte, les anti-grévistes, hors sujet, n’ont rien apporté au débat alors qu’ils n’auraient pas manqué d’arguments.

Notons néanmoins que le blocage ou non de la faculté n’étant pas à l’ordre du jour, c’est une AG apaisée qui a été menée à terme, et que les radicaux des deux camps se tournaient plus en ridicule qu’autre chose. Deux étudiantes portant le foulard rouge d’un BDE se demandaient même à quoi servait cette mobilisation puisque les locaux n’étaient pas occupés. A la sortie de l’amphi, elles n’en animaient pas moins une table d’anti grévistes en détournant des chansons populaires. L’enjeu comptait plus que le jeu, et l’enjeu étant moindre, les passions et l’affluence étaient retombées. Une fois la grève validée (majorité écrasante pour la grève, une petite dizaine contre, votes "abstentions" et "ne participe pas au vote" marginaux), c’est un amphi nettement vidé qui a débattu des mandats à accorder aux représentants près la coordination nationale et des prérogatives du « comité de grève » en charge des actions.

Les deux représentantes choisies pour la coordination sont toutes les deux syndiquées. Je me tournai alors vers mes voisins :
- Vous avez besoin des syndicats pour vous représenter ?
- Il n’y a qu’eux qui se sont présentés de toute façon.
- Et pourquoi pas toi, ou ta voisine ?
- Nous on ne peut pas. On a trop de travail, et puis ça coûterait trop cher d’aller à Tours.

Retour à la réalité. Quelle marge y a-t-il en France pour une représentation hors des partis ou des syndicats établis ? Combien de portes restent-elles fermées si on n’a pas le sésame politique qui débloque les fonds ?

Les participants des deux bords ne réalisent pas que les AG spontanées peuvent être le point de départ de la réappropriation durable de la réflexion et l’expression politique. Les universités se bloquent et se libèrent de la même façon : le mot d’ordre est d’oublier le fond et de mobiliser le plus intensément possible. Bizarrement ce sont précisément ces AG qui « ne servent à rien » qui sont en réalité les plus fécondes, parce qu’on a l’occasion de ne pas parler de la grève (ou non) ou du (dé)blocage, mais du sujet du débat.

L’AG est trop souvent l’affrontement de deux blocs préconstitués et au jeu de la mobilisation, l’intérêt des étudiants passe au second rang. Il ne reste que deux plus values démocratiques : parfois quelques masquent tombent et le cynisme des leaders se dévoile. Parfois quelques rencontres se font et des associations naissent, loin de l’UNI et de l’UNEF…
Crédit Image :
Eric Cabanis AFP/Archives ¦ Plus d'un millier d'étudiants de l'université Toulouse-Le Mirail manifestent dans les rues de Toulouse, le 8 novembre 2007.