agir-et-reagir

3.11.06


Critique du film : Mon Oncle d’Amérique



De Alain Resnais, avec Roger Pierre, Nicole Garcia, Gérard Depardieu.



J’ai il y a peu redécouvert un véritable chef d’œuvre, qui m’avait laissé de très bons mais très anciens souvenirs. Ce film, c’est Mon oncle d’Amérique d’Alain Resnais. Distribué en salles en 1980, ce bijou qui joue avec la sociologie et la psychologie nous invite à suivre trois histoires. Le lien entre les trois est celle du personnage de Nicole Garcia, qui campe Janine, une actrice, jeune maîtresse d’un professeur qui fait carrière à l’ORTF (Jean, incarné par Roger Pierre). Depardieu joue un autre de ces personnages : René, un autodidacte catholique qui brille dans sa branche industrielle, avant d’être malmené par les nouvelles méthodes de travail.







La structure narrative du récit est définitivement innovante : Resnais entrecoupe son récit d’expériences psychologiques avec des rats, de films en noir et blanc qui ont posé leur emprunte sur la façon d’être des personnages, d’explications sur les fondements de la psychologie prodiguées par le professeur Laborit (un éminent chercheur français qui, pour avoir introduit les psychotropes en thérapie psychiatrique, ne se limita pas aux traitement médicamenteux des pathologies). En cela, il a probablement inspiré Bernard Werber (les Fourmis, les Thanatonautes) qui reprend ce schéma dans tous ses livres.

Dès lors, les destins qui nous sont contés deviennent les illustrations du décorticage des personnalités. Le récit prend un sens nouveau, et l’on voit en œuvre les mécanismes profonds de la pensée, qui submergent irrémédiablement la raison.



Novateur par sa narration, ce film l’est aussi pour avoir eu le culot de jouer aussi ouvertement avec les trois héros, provoquant ainsi le spectateur dérouté que l’on puisse analyser aussi facilement son propre comportement, et incite à une introspection dérangeante sur les ressort de son âme et sur son comportement. Aurait on encore aujourd’hui le courage de tenter un film aussi interpellant ? J’en doute fort. C’est aussi ce qui rend Mon oncle d’Amérique si précieux, et rend son visionnage si indispensable. Ce film aide à mieux comprendre notre psychologie et celle de nos proches. Comment s’accommoder, se détacher des relations primaires qui nous dominent sans les connaître et les comprendre ?

Mon oncle d’Amérique a marqué tous ceux qui l’ont vu. Nul doute qu’après l’avoir vu vous aurez l’occasion d’en discuter avec vos proches (enfin ceux qui, à l’inverse de vous et moi étaient en âge de l’apprécier quand il est sorti puis été diffusé à la télé). C’est aussi une opportunité de mesurer l’ampleur du travail d’abrutissement qui est abattu avec une application croissante. Mon oncle d’Amérique ne pourrait pas sortir aujourd’hui. En 80 déjà, c’était un OVNI.

A Cannes, le film remporte le Grand prix du jury et le prix de la critique.

Du même réalisateur : Nuit et brouillard (1955), Hiroshima mon amour (1959), La vie est un roman (1983), On connaît la chanson (1997), Pas sur la bouche (2003).