agir-et-reagir

12.12.06


Chevènement / Royal : un accord trop parfait



Les deux accords (électoraux et politiques) qui ont été officialisés et ratifiés ce week end, entre le MRC et le PS, soulèvent de nombreuses interrogations qui empêchent à l’observateur de consolider son opinion à leur sujet.
Nicolas Voisin l’avait annoncé dans son blog dès vendredi soir : Chevènement a annoncé qu’il retirait sa candidature au profit de la candidate socialiste Ségolène Royal, qui avait déjà bénéficié du désistement des radicaux de Christine Taubira. « Ségo » était d’ailleurs à ses côtés lors du meeting que le Président d’honneur a tenu à Paris XIème.

L’ancien ministre, qui avait obtenu 5,3% aux présidentielles de 2002, qui avait porté le « non » au Référendum en 2005, obtient par là un accord politique et un accord électoral intéressant, et opportun : laisser les radicaux se désister en premier lui laissait une position de dernier courtisé favorable.

France 3 a interviewé le Che ce dimanche soir, pour l’édition de la nuit. Le journaliste François Letellier a été très pertinent, et son vis-à-vis a régulièrement été contraint de déplacer sa réponse hors du terrain de la question (avec une façon originale de faire de la langue de bois qui consiste à s’exprimer sur le fond plutôt que de se justifier sur la forme).

L’accord électoral porterait, selon les mots de J.P. Chevènement lui-même, sur une dizaine de circonscriptions pendant les législatives. Nombre mitigé, mais qui laisse entrevoir des clauses secrètes : en fin d’interview, l’ancien ministre n’a pas exclu de retourner au PS dans les années à venir, et n’a pas fermé la porte à une fusion MRC-PS. Par là, le Che a probablement signé la mort prochaine du MRC sur l’autel du bipartisme, ainsi que le laissait envisager les analyses des experts en Droit constitutionnels après le quinquennat de 2000, à moins que la dose de proportionnelle annoncée par l’ancien ministre ne change finalement la donne.

Mais l’habileté de Chevènement aura été d’avoir obtenu un accord politique, qui se concrétise en une déclaration commune ( et ici ). Accord opportun puisque semblent avoir été conservées les principales orientations du programme du MRC, ce qui lui permet de clamer haut et fort qu’il s’agit là d’une « union » et non d’un acte d’allégeance.

Par exemple les points les plus marquants en ce qui concerne le volet économique sont : réduire l’indépendance de la Banque Centrale Européenne (dévaluation de l’Euro), entraver les OPA étrangères, une politique énergétique ambitieuse, la protection des services publics, la revalorisation des bas salaires, l’augmentation de l’imposition des revenus du capital, et, ce qui est peut être le plus ambitieux, une modification des normes de l’OMC afin d’imposer des minima sociaux et environnementaux, le protectionnisme afin d’endiguer les délocalisations et de combattre le chômage, et la mise en place d’une clause antidumping social au niveau européen.

Ces mesures, alors que l’emploi est la première préoccupation des français, étaient la pierre angulaire du programme de J. P. Chevènement, et il a répété que sa première priorité était cette « réorientation de l’UE en faveur de la croissance et de l’emploi ». A l’entendre à Soir 3, son projet divergeait de celui de L. Jospin (notamment sur le quinquennat), et nettement moins de celui de S. Royal. Malgré leur fronde commune à l’euro fort, on a du mal à la croire tant la présidente de Région clame qu’elle attend les résultats de sa consultation nationale pour se déterminer. A moins que sa vision soit déjà établie et qu’il ne s’agisse que d’une façade ?

L’accord est presque trop beau et trop fort pour être vrai : il semble bien que l’un des deux bluffe. A moins que ce ne soient tous les deux : l’une cherchant à voir se rallier les 5,3% de français sensibles à l’approche de Chevènement (les urnes parlent mieux que les sondages), ou au moins à éviter autant que possible un report de voix, l’autre assurant à son mouvement (et à lui-même) une pérennité difficilement garantie depuis le 21 avril 2002. D’une convergence d’intérêts ne serait alors née qu’une déclaration qui, une fois de plus, sera superbement oubliée au moment d’exercer le pouvoir ?

Sur le blog de Chevènement, les réactions sont très tranchées et franchement partagées, bien plus en tous cas que le score de 84% de délégués en faveur du ralliement au PS (mais il faut dire que le militant, le sympathisant n’a pas la même obligation d’obtenir des mandats qu’un homme politique en ayant fait sa carrière).

Gageons que de nombreux votants qui se défiaient de S. Royal se voient désormais forcés de s’interroger sur sa crédibilité, et surtout, du respect qu’elle aura vis-à-vis de ses engagements, non seulement électoraux, mais surtout politiques : il s’agit des premières promesses claires qu’elle fait, après avoir démontré la légèreté avec laquelle elle considère le programme socialiste.

Désormais S. Royal va devoir assumer une position nouvelle : d’outsider, elle devient responsable d’un amalgame de courant divers, allant du chevènementisme aux pro DSK. Tout peut en sortir, le meilleur comme le pire et après des primaires en promenade de santé, les choses très sérieuses commencent pour la candidate.