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14.12.06

Après le cartel des mobiles, l'UFC mène l'action contre la vente liée des opérateurs systèmes

Et avec son PC, l'Monsieur y prendra un Windows ou un Linux ?

Vous n'avez jamais entendu cette phrase dans la bouche des vendeurs du rayon informatique de votre distributeur. Vous auriez du.

A peine la décision de la Cour d’Appel confirmant la peine de 532 millions d’euros à l’encontre des opérateurs du Cartel des mobiles a-t-elle été rendu que l’UFC-Que choisir lance une nouvelle campagne, cette fois contre Hewlett Packard, Auchan Bagnolet et Darty Les Halles.

Voilà des années que les internautes faisaient entendre leur voix contre la fourniture systématique de l’opérateur système Windows de Microsoft avec le matériel informatique, pratique particulièrement répandue et à laquelle il n’était possible d’échapper quasiment qu’en montant soi même sa « tour » (alors que les professionnels peuvent bien plus facilement obtenir un PC « nu », c'est à dire sans OS). Phénomène accentué donc par l’explosion des ventes de PC portables (et ici). Après des années de sensibilisation, la DGCCRF commence a prêter d’avantage d’attention au problème.

S’il prévoit de sanctionner les ventes liées comme abus des positions dominantes, le Droit de la concurrence n’était cependant pas applicable à ce type de pratique.

En effet les deux plus grands textes en Droit de la Concurrence sont l’interdiction de l’abus de position dominante, et l’interdiction des ententes (respectivement les articles 81 et 82 du traité instituant l’union européenne, transposés dans le Code de commerce aux livre IV de celui-ci, et reproduits dans le Code de la Consommation).

Si Microsoft a déjà été condamné par la Commission européenne pour la vente liée de Windows média player à son opérateur système, les conditions d’application de l’article 82 du Traité ne sont pas réunies en ce qui concerne la fourniture de Windows aux ordinateurs vendus montés.

En ce qui concerne l’affaire précédente, Microsoft utilisait sa position archi dominante sur le marché des opérateurs systèmes pour attaquer un marché en aval : celui des lecteurs médias. En fournissant gratuitement Média Player, Microsoft voulait réitérer sa stratégie « Internet Explorer » : étouffer dans l’œuf ses concurrents en dissuadant le consommateur de prendre le temps de comparer et de choisir son explorateur. Car si les logiciels considérés sont gratuits, les accords publicitaires notamment peuvent financer leur production, et parfois de les rendre rentables, le temps de se construire une notoriété et d’accumuler les actifs permettant d’attaquer d’autres marchés de logiciels.

En l’occurrence, ni les constructeurs, ni les distributeurs ne peuvent être considérés comme en position dominante sur le marché des PC montés. Ce n’est donc pas sur le texte de l’abus de position dominante que l’action contre la « Taxe Windows » sera portée. Pour pallier à cette faille, le Droit français prévoit dans son Code de la consommation l’interdiction de la vente liée au consommateur (Article L122-1).

Il devrait ainsi être possible pour le consommateur de pouvoir acheter soi la licence Windows pour un prix A, soit le PC « nu » pour un prix B, soit les deux ensemble pour un prix de A + B. Ironie du sort : Dell propose aux professionnels une offre sans Windows XP, 75 euros mois cher qu’équipé de l’OS, alors même qu’il s’agit d’un contrat entre professionnels (quoique le Droit de la Consommation s’y applique parfois, mais c’est un autre débat). Pour les consommateurs, la licence de l’OS atteint généralement 10 à 20% du prix total d’achat.

La plupart du temps, Windows est en cause, mais selon 01.net Carrefour pratique également la vente liée, mais cette fois avec Linux comme OS. La route est encore longue avant que ne soit assuré au consommateur un choix non faussé de son OS.

Nous vivons une époque charnière : alors que la conscience de la gravité des dommages causés au Marché par les atteintes à la concurrence émerge en Europe, les anglo-saxons engluent les institutions européennes dans les sophismes des économistes chicagoïens qui assimilent induement la vente liée au "Bundling" (le bundling, c'est vendre par exemple des chaussures avec leurs lacets).