agir-et-reagir

21.12.06

Dormir dehors

Je croyais savoir ce qu'était le social, en bossant dans les quartier difficiles, avec des jeunes en foyer, ou qui sont retournés en HP après la colo. Je me trompais.

L'association Don Quichotte mène actuellement une campagne de sensibilisation à la condition des SDF. Celle ci consiste à dormir dehors, à leurs côtés, dans des tentes, afin de vivre les affres du froid.

Il me semblait interessant de livrer à AgoraVox mon propre vécu.

Après une colonie de vacances dans les Cévennes, j'ai décidé de profiter des journées du patrimoine (mi septembre) pour m'offrir un week end à Amsterdam. J'ai rencontré dans le premier train de la journée un SDF parisien d'origines guyanaise d'environ 35-40 ans, José. Nous avons sympathisé autour d'un jeu qu'il avait proposé avec grand succès à deux enfants du wagon (un animateur ne manque jamais l'occasion de compléter sa panoplie).

Nous avons envisagé de ne pas dormir de la nuit pour profiter de la vie nocturne de la capitale, et de nous accorder un repos au matin dans un parc. A notre arrivée, ce qui était une option devint une obligation : a cause d'une convention, l'office du tourisme ne proposait que des chambres à 160 euros et plus, ce que ni l'un ni l'autre ne pouvions nous permettre. Parlant un anglais correct, je me chargerais des traductions (les néerlandais parlent pour tous ceux que j'ai rencontré un anglais impeccable) et nous sommes partis tous deux en vadrouille dans la cité lacustre, faisant nos courses de nourriture dans les supermarchés locaux (chers) et prenant une collation aux fast foods de produits de la mer.

La journée fut d'abord plaisante. La ville était superbe, et nous avons flâné dans ses ruelles jusqu'à épuisement. José, un peu trop imbibé, s'attirait souvent les foudres des commerçants ou des passants qui s'offusquaient de le voir demander aux jolies passantes de poser avec lui sur les photos de son appareil jetable. Je l'ai tiré de situations délicates , ce dont il ne s'est parfois pas douté. De son côté, et alors que je cherchais un toit pour passer la nuit, il m'a évité de me faire détrousser par un groupe de malandrins en anticipant le problème.

C'est la première constatation que je fais. Les SDF et nous n'avons pas la même lecture du monde. Ils sont exposés à des risques insoupçonnés de ceux qui ont un endroit sûr où passer la nuit. Ils connaîssent la rue et ses codes, et ont appris, parfois à leurs dépends, comment en gérer les dangers.

J'ai entendu ce jour là de nombreuses anecdotes, depuis le trafic de Subbutex des roumains (qui se procurent leurs doses en toute légalité en faisant le tour des généralistes), aux propositions indécentes faites par des détraqués sexuels aux clochards de Châtelet. Comment il était retourné à la vie de SDF après avoir été salarié et logé un temps.

La nuit tombant, et n'ayant ni l'un ni l'autre envie de squatter un Coffee Shop (nous n'avons aucun attrait pour les substances qu'on s'y procure), nous nous sommes dirigés vers une grande place rectangulaire concentrant de nombreux bars dansants et boîtes de nuit (Leidseplein, il me semble ou plus probablement Rembrandtplein) qui nous avait été recommandée par Sammy, un grand black rencontré dans un bar.

Sur notre route, nous avons vu se révéler un autre visage d'Amsterdam, plein de skinheads, de punks, qui regardaient avec agressivité mon compagnon, et l'apostrophaient en Néerlandais.

J'ai alors senti pour la première fois la brutalité du racisme le plus vil. Cette peur permanente du dérapage de l'autre. Certains me diront qu'en France il en est de même, mais je ne l'ai jamais senti avec une telle acuité.

Sensation qui s'est précisée dans le bar brésilien où nous avons passé notre première partie de soirée. Les hollandais dansaient avec beaucoup de rigidité, et nos styles (surtout celui de José !) tranchaient radicalement avec le leur. J'étais l'invité de mon nouvel ami qui me paya quelques coups à boire, ce qui me confirma que les gens de peu donnent beaucoup. Le bar était bondé, et à peine mon camarade s'était il mis à danser avec les jeunes femmes de la boîte qu'un front s'était formé contre lui. L'athmosphère enfumée (j'ai du quitter la salle tant mes yeux me piquaient) et la promiscuité ajoutaient à l'oppression de la scène. Nous finîmes nos verres et quittâmes le lieu morbide, qui melaissait l'impression animale que la femelle est un bien du groupe, une ressource à ne pas faire tomber entre les mains de l'étranger. Comme un retour au temps des cavernes.

Je me suis tenu prostré plusieurs minutes sur un banc de la place, encore sous l'effet de la situation que nous venions de vivre. José ne s'avouant pas vaincu par la bêtise ambiante, s'en est retourné tout de go dans le bar. Après quelques minutes, il revint me voir. A me tenir la tête entre mes mains pour me protéger les yeux, je devais ressembler plus à un junkie qu'à un touriste.

Une pluie légère commença à tomber, et nous esseyâmes en vain d'entrer en Night club avec nos sacs à dos et nos sweat shits humides. Si notre accoutrement ne sembla pas poser problème au videur, nous ne pouvions pas laisser nos sacs à la consigne, ce qui nous refusa l'entrée de la boîte de nuit.

Après quelques hésitations, nous décidâmes de retourner au parc que nous avions visité durant la journée : le Vondelpark. La pluie avait du chasser les individus patibulaires croisés plus tôt, et nous nous installâmes sous les frondaisons fines d'un bosquet, en pérphérie du parc.

La nuit fut pour moi extrêmement dure à passer. Tétanisé par le froid qui m'a surpris pour une journée de septembre si douce, mon sweat shirt en coton ne suffit pas à m'en protéger. José me proposa sa veste, que je ne sus accepter. Je passai la nuit grelottant, faisant les 100 pas et sautillant sur place pour me réchauffer. La terre était boueuse et froide, l'humidité pénétrait dans l'étoffe par capillarité quand je m'allongeais. José s'est allongé sur le côté. Je l'ai veillé toute la nuit avec le sentiment que c'était le moins que je puisse faire.

Au matin, j'ai surpris des lapins venus nous visiter. J'ai vu défiler les joggers matinaux, et quelques freaks qui rentraient de soirée. A son réveil, José s'inquiéta de mon sommeil, et nous nous mîmes à la recherche d'un point d'eau, d'un endroit où se doucher, mon compagnon restant encore 9 jours en ville.

Nous nous sommes finalement quittés après un café sur l'esplanade du Rijksmuseum. J'utilisai les toilettes de celui ci pour changer de T Shirt et de sous vêtement, pour me débarbouiller et retirer un peu de la terre de la nuit sur mon Sweat.

Je n'oubliai pas de le remercier d'avoir été là pour moi. Très simplement et presque gêné, il me dit que c'était normal et s'éloigna. Nous ne nous sommes plus jamais revus.

Le soir, je retrouvai ma cousine et son petit ami à Bruxelles. Je me sentais différent d'à mon départ. Je revenais d'une aventure étrange, et avais l'impression que d'avoir un toit pour la nuit mettait sur mon visage une expression aussi lisible que celle que je portais au front quelques heures auparavant : "je suis sans abri, vulnérable, une proie facile".

Cette expérience, même racontée avec force détails, doit se vivre pour se comprendre. Quelle connivance j'ai ressenti en voyant sur mon écran d'ordinateur l'initiative des Enfants de Don Quichotte. Ils avaient tout compris : il fallait le vivre pour le croire.

43 ans d'espérence de vie. 86 000 selon l'Inserm, 400 000 selon la fondation l'Abbée Pierre, 3,2 millions de mal logés selon la même organisation.

Ce sont des chiffres, des statistiques.

Un mort de froid à Paris le mardi 19 décembre, avant la déclaration du niveau 2 du plan grand froid.

Quand je frissonne au souvenir de cette expérience, vécue en septembre, j'ai peine à imaginer la cruauté du traitement dans les conditions climatiques actuelles. Nous gardons nos animaux de compagnie au chaud, quand nos "frères meurent sous les ponts et que tout le monde s'en fout" (IAM).

De cela, je pourrais m'accomoder, s'il s'agissait d'une fatalité inévitable. Mais du cynisme de Nicolas Sarkozy qui prétend qu'après 5 ans au pouvoir il n'y aura plus de SDF (alors que le maire de Neuilly préférait payer des amendes plutôt que de construire son quotat de logements sociaux), de celui de la ministre de la cohésion sociale Catherine Vautrin (qui condamne cette intitiative "leurre face au problème de l'exclusion sociale", "c'est touchant mais c'est facile" face à la révolte du Don Quichotte de Terry Gilliam Jean Rochefort, et "J'ai dit hier qu'il y avait une instrumentalisation de ces personnes qui sont en difficulté") je n'en peux plus.

L'intolérable a ses limites.

48% des français pensent pouvoir devenir un jour SDF.

Arrêtez tout deux minutes : Ségo et Sarko, Armadinejad et Kim Jong Il, les 300 millions au Japon et le trou de la sécu, Johnny en Suisse et Katie Holmes enceinte, la pubalgie de Ribery et le Ballon de plomb de Mendy, "le biberon du bébé, le babysitter qui vient demain, la bouffe, le loyer, la banque à rembourser" (Tryo), vos emplettes de fin d'année, vos exams, et réveillez vous.

Il n'y a pas de vision politique sans volonté du peuple.

19.12.06

Un article qui date de cet été



Réponse du conteur à la conteuse :



En lisant la fable de la Fontaine remaniée par les ploutocrates déguisés en alter libéraux (commentaires de l’article de jeudi 20 juillet « Savez vous ce qu’est le libéralisme ? » http://www.agoravox.fr/tb_receive.php3?id_article=11715) et leur histoire de Poiraju (http://www.quebecoislibre.org/04/040320-11.htm ), j’ai trouvé matière a en écrire une moi aussi.


Le fils prodigue


Il était une fois une famille de trois personnes. Le père, la mère et le fils. Tous trois vivent dans une jolie petite maison que les parents ont fini de payer il y a peu, a force de privations.

Le fils, Benoît, a 20 ans, il étudie et gagne un peu de fric en travaillant à côté. Il a monté sa boîte de livraison de café aux entreprises et gagne même mieux sa vie que son père, qui a des difficultés à trouver un emploi décent à son âge avancé et que sa mère, femme au foyer. De fait, le fils subvient au plus gros des besoins de la famille.

Benoît aimerait bien se « diversifier » en vendant du Shit mais ses parents le lui interdisent. Il ne prend aucun soin du travail de sa mère, ne fait jamais la cuisine ni la vaisselle, n’essuie jamais ses pieds en entrant dans la maison, ne vide jamais les poubelles, ne ponce jamais les volets, et jette ses mégots en plastique dans le jardin. C’est pas son boulot. Sa mère se tait, c’est à elle de s’en occuper mais aimerait bien qu’il fasse quand même un peu plus attention.

Benoît fume aussi des pétards dans sa chambre et y laisse de la bouffe, de sorte que la maison pue la beuh et commence à être un nid à insectes, mais lui s’en accommode, alors de quoi les parents se plaignent ils ? N’est il pas libre de faire ce qu’il veut avec la nourriture qu’il a acheté avec son argent ? De faire ce qui lui plait dans sa chambre ? Du coup il se permet des remarques humiliantes à son père quand il achète un calendrier aux postiers ou sa mère quand elle invite ses amies à dîner.

Ne supportant plus les remontrances de ses parents, il commence à se plaindre avec insistance. Il ne respecte plus ses parents et les traite de parasites. Il réclame l’autorité dans la maison, comme il a celle dans la société dont il est l’actionnaire majoritaire.

Le père a beau lui expliquer que ce n’est pas à lui de faire la loi dans la famille, qu’il est l’enfant et lui le père. Même, compréhensif, il accepte de changer son attitude si la mère se joint à l’opinion du fils. Evidemment, surchargée de travail a cause des petites économies d’efforts du fils qui lui causent de bien pires tâches (surtout la boue séchée, ça ne part pas facilement), elle estime que Benoît est en tort. Elle a le sentiment de travailler dur, même si sa production domestique n’a aucune existence comptable. Et se tait de plus en plus, lassée d’être dévalorisée.

Mais le fils n’en démord pas : il rapporte le fric, il veut l’autorité. De toute façon, si son père ne trouve pas de boulot c’est parce que c’est un sale feignant. Et puis c’est quoi cette habitude de boire du vin aux repas, il ne le mérite pas. Pareil pour l’abonnement à un magazine people de sa mère, elle n’a pas à se le payer avec son argent.

Son père excédé finit par lui dire qu’il se débrouilleront tous seuls s’il quitte le foyer, qu’ils se sont privés pour lui payer ses études alors qu’ils ne menaient pas la vie de château.

Mais le fils n’entend pas en rester là : il estime que sa chambre est la sienne, et il exige de ses parents de vendre la maison pour récupérer l’argent de celle-ci, ou du moins qu’ils aménagent une porte dans le mur, pour pouvoir en profiter sans avoir à croiser ses géniteurs.

Cette fois c’en est trop. Le père furieux jette ses affaires par la fenêtre et l’enjoint de quitter les lieux. Le fils se plante alors devant lui et le nargue : « Tu vas faire quoi ? Me frapper ? » Il finit par les quitter sur un « Pauvre nul va ! »

Première fin :

Alors le fils se cherche une nouvelle famille. Mais personne ne veut de lui, à cause de ses habitudes de porc. Il finit par trouver refuge dans une colocation. Mais ses colocataires sont si peu portés sur l’hygiène que même lui n’arrive pas à les supporter. Il a alors l’idée d’embaucher une femme de ménage, qui lui prend un joli salaire. Mais deux heures après son passage, la cuisine est de nouveau inutilisable. « Non mais ils ont été éduqués où, ceux là ? », ne peut il s’empêcher de murmurer quand ses trop bruyants voisins l’empêchent de dormir.

Le fils quitte donc la colocation. Il se perd dans le travail pour pouvoir s’offrir un appartement personnel, trop cher pour qu’il puisse continuer en même temps ses études. Mais rapidement les voisins se plaignent. Les odeurs qui viennent de chez lui puent tellement qu’ils ne peuvent pas dormir. Il s’engueule avec eux. Le proprio, un gros costaud, vient lui casser la figure, il ne veut pas que son immeuble se dévalorise. Quand il le traîne en justice, les voisins témoignent de mauvaise foi en faveur du proprio et sont ravis de le voir quitter son appart en pleurant de rage.

Décidemment, le monde est bien sauvage hors de la maison. Son cynisme et sa misanthropie grandissent de jour en jour. Cependant sur le Net il se lie d’amitié avec une fille. Et ses sentiments pour elle vont croissant, même s’ils n’ont pas les même styles de vie. Il commence à se dire qu’il ne peut pas l’inviter chez lui dans l’état de son appart. Fait des efforts pour elle et elle finit par s’installer chez lui. Parfois il rigole tout seul en s’imaginant avec une femme aussi crados et peu respectueuse que lui plus jeune, et se dit qu’il aurait pu passer à côté de l’amour pour des bêtises.

Et le fils comprend que les communautés humaines ne se gèrent pas comme une entreprise, et que chacun doit être pris en compte avec une voix égale en ce qui concerne les choix de vie.

Mais il ne l’a compris que quand il a eu lui-même la responsabilité d’une collectivité.

Fin alternative :

Après avoir quitté le domicile familial, Benoît rencontre par hasard un entrepreneur, comme lui. Intéressé par les qualités de Benoît, Il l’invite chez lui dîner et, l’aubaine, lui offre de le loger pour la nuit. Benoît est stupéfait par la splendeur de la maison. Tout y est parfaitement propre, rangé, ordonné. Benoît se dit que décidemment les asiatiques font bien les choses. Le dîner commence, et le cortège des servants s’accélère, chacun portant des plats succulents que le Maître des lieux ne goûte qu’à peine avant de les jeter au sol quand la cuisson lui déplaît. Peu importe, les servants sont là pour nettoyer les monceaux de nourriture gâchés.

Et le Maître des lieux lui expose le plan : Benoît aidera a commercialiser les vêtements bon marché qu’il produira avec ses ouvriers très efficaces. Quand Benoît l’interroge sur ceux-ci, il répond qu’ils sont venus du Pays pleins d’espoir, qu’ils sont illégaux sur le territoire qu’il les cache pour leur bien et qu’au moins avec lui ils ont de quoi manger. De toute façon s’ils veulent rentrer ils sont libres, il suffit qu’ils se payent un billet (mais il oublie de dire que leur gouvernement les attend avec impatience pour les punir de leur impudence, et que les passeurs leur avaient promis l’Eldorado). Et Benoît de se dire « Quel honnête homme tout de même ! ». Il travaille dur mais le Maître et surtout ses « employés » s’occupent de tout et le traitent comme un Roi, ce que Benoît a toujours voulu. Et quand il rentre en ville, il peut s’offrir tout ce qu’il veut : biens de luxe, amitié et amour des gens (Chut ! il ne sait pas que ce sont de fades substituts de la part de courtisans). Tout le monde l’envie enfin.

Mais Benoît a du mal a dormir cette nuit. En allant aux toilettes, il a entendu le Maître parler au vigile. Il lui a dit « Maintenant qu’il a formé ses deux remplaçants, pourquoi irait t on s’encombrer avec lui. Ce soir ce doit être fini, compris ? »

Benoît se rappelle de l’histoire de Pinocchio sans savoir pourquoi et pleure, de retour seul dans sa grande chambre vide.

Il se dit qu’il aurait du aider les employés (qui étaient peut être en fait des esclaves) à se libérer de l’oppression du Maître. Peut être en leur transmettant le savoir que ses parents lui ont légué. En leur faisant comprendre qu’ils ne sont grands que quand nous sommes à genoux...

Trop tard, ce soir il sera le plus riche du cimetière.

Moralité :

Entre ceux qui nous font payer la paix sociale de plus en plus cher (les pères alcoolos), et ceux qui veulent tout laisser faire sauf payer les pots qu’ils cassent (les fils ingrats et vaniteux), on est pas sortis de l’auberge (nous les mères qui trimons pour des clous).

Il va pourtant bien falloir se faire entendre un jour.

Rideau !

14.12.06

Après le cartel des mobiles, l'UFC mène l'action contre la vente liée des opérateurs systèmes

Et avec son PC, l'Monsieur y prendra un Windows ou un Linux ?

Vous n'avez jamais entendu cette phrase dans la bouche des vendeurs du rayon informatique de votre distributeur. Vous auriez du.

A peine la décision de la Cour d’Appel confirmant la peine de 532 millions d’euros à l’encontre des opérateurs du Cartel des mobiles a-t-elle été rendu que l’UFC-Que choisir lance une nouvelle campagne, cette fois contre Hewlett Packard, Auchan Bagnolet et Darty Les Halles.

Voilà des années que les internautes faisaient entendre leur voix contre la fourniture systématique de l’opérateur système Windows de Microsoft avec le matériel informatique, pratique particulièrement répandue et à laquelle il n’était possible d’échapper quasiment qu’en montant soi même sa « tour » (alors que les professionnels peuvent bien plus facilement obtenir un PC « nu », c'est à dire sans OS). Phénomène accentué donc par l’explosion des ventes de PC portables (et ici). Après des années de sensibilisation, la DGCCRF commence a prêter d’avantage d’attention au problème.

S’il prévoit de sanctionner les ventes liées comme abus des positions dominantes, le Droit de la concurrence n’était cependant pas applicable à ce type de pratique.

En effet les deux plus grands textes en Droit de la Concurrence sont l’interdiction de l’abus de position dominante, et l’interdiction des ententes (respectivement les articles 81 et 82 du traité instituant l’union européenne, transposés dans le Code de commerce aux livre IV de celui-ci, et reproduits dans le Code de la Consommation).

Si Microsoft a déjà été condamné par la Commission européenne pour la vente liée de Windows média player à son opérateur système, les conditions d’application de l’article 82 du Traité ne sont pas réunies en ce qui concerne la fourniture de Windows aux ordinateurs vendus montés.

En ce qui concerne l’affaire précédente, Microsoft utilisait sa position archi dominante sur le marché des opérateurs systèmes pour attaquer un marché en aval : celui des lecteurs médias. En fournissant gratuitement Média Player, Microsoft voulait réitérer sa stratégie « Internet Explorer » : étouffer dans l’œuf ses concurrents en dissuadant le consommateur de prendre le temps de comparer et de choisir son explorateur. Car si les logiciels considérés sont gratuits, les accords publicitaires notamment peuvent financer leur production, et parfois de les rendre rentables, le temps de se construire une notoriété et d’accumuler les actifs permettant d’attaquer d’autres marchés de logiciels.

En l’occurrence, ni les constructeurs, ni les distributeurs ne peuvent être considérés comme en position dominante sur le marché des PC montés. Ce n’est donc pas sur le texte de l’abus de position dominante que l’action contre la « Taxe Windows » sera portée. Pour pallier à cette faille, le Droit français prévoit dans son Code de la consommation l’interdiction de la vente liée au consommateur (Article L122-1).

Il devrait ainsi être possible pour le consommateur de pouvoir acheter soi la licence Windows pour un prix A, soit le PC « nu » pour un prix B, soit les deux ensemble pour un prix de A + B. Ironie du sort : Dell propose aux professionnels une offre sans Windows XP, 75 euros mois cher qu’équipé de l’OS, alors même qu’il s’agit d’un contrat entre professionnels (quoique le Droit de la Consommation s’y applique parfois, mais c’est un autre débat). Pour les consommateurs, la licence de l’OS atteint généralement 10 à 20% du prix total d’achat.

La plupart du temps, Windows est en cause, mais selon 01.net Carrefour pratique également la vente liée, mais cette fois avec Linux comme OS. La route est encore longue avant que ne soit assuré au consommateur un choix non faussé de son OS.

Nous vivons une époque charnière : alors que la conscience de la gravité des dommages causés au Marché par les atteintes à la concurrence émerge en Europe, les anglo-saxons engluent les institutions européennes dans les sophismes des économistes chicagoïens qui assimilent induement la vente liée au "Bundling" (le bundling, c'est vendre par exemple des chaussures avec leurs lacets).

12.12.06

La Cour d'Appel de Paris confirme la condamnation du "Cartel des mobiles" : un peu de Droit de la Concurrence pour les nuls



(Version avec liens sur Agoravox, crédit image : Imagine)

Cet article brosse un rapide résumé de l'affaire dite du cartel des mobiles (entente secrète entre Bouyges, SFR et Orange), et prolonge la problématique du volet "réparation" de l'affaire.

De 1997 à 2003, les trois grands opérateurs de téléphonie mobile ont organisé une entente secrète qui visait à maintenir leur prix élevés, et à se répartir leurs parts de marché à l'amiable. Les liens suivants vous exposeront clairement les éléments factuels de l'affaire :

Sur Boursorama

Sur le site du Conseil de la Concurrence

Sur le site de l'UFC-Que choisir

Ce mardi 12 décembre 2006, la Cour d'Appel de Paris a confirmé décision de condamnation (la plus lourde jamais prononcée : plus de 500 millions d'euros, et particulièrement dure envers Orange) du Conseil de la Concurrence du 30 novembre 2005.

La Concurrence est essentielle dans le fonctionnement du Marché : elle exerce une pression à la baisse sur les prix, est une incitation très forte à l'innovation, limite les pénuries et les exédents. Sans la Concurrence, le prix s'établit à un niveau dit "de monopole", c'est à dire au niveau le plus favorable pour l'entreprise.

Par exemple, l'entreprise va se baser sur ses courbes de production pour établir ses prix et son niveau de production. La Concurrence est en réalité la force qui rattache l'offre aux lois du Marché, et plus la concurrence est faible, plus l'arbitrage par le Marché est erroné.

L'atteinte constatée est une entente, prévue par notre Code de commerce et par les traités européens .

Les amendes prévues ont pour objectif de sanctionner l'atteinte au Marché. C'est pourquoi elles sont relativement faibles, face aux dommages aux consommateurs. En effet, pour une amende de plus de 500 millions d'euros, on a évalué le préjudice causé aux 20 à 30 millions de consommateurs à 1,2 milliards d'euros (bas de la fourchette). L'amende n'a donc aucun effet dissuasif, tout au mieux elle va réduire, pour les contrevenants les moins habiles, le profit du larcin.

L'an dernier la question de savoir sur quel fondement le consommateur peut demander réparation pour son dommage a suscité au sein de mon DESS de vifs débats. En principe si une relation contractuelle existe entre les parties, la responsabilité à engager est la responsabilité contractuelle. Or en l'espèce les obligations résultant du contrat ont été respectées : l'accès au réseau et aux services annexes a bien été offert au client. Pour ma part, je me suis focalisé sur l'article 1382 de notre Code civil, qui est notre clause de responsabilité extra contractuelle (on parle de responsabilité quasi délictuelle).Pour obtenir des dommages-intérêts compensatoires (en réparation des dommages causés) sur ce fondement, il faut réunir une faute (une entente illégale), un dommage (un trop payé), et un lien de causalité (le contrat non négociable). Selon toute évidence, c'est sur ce dernier fondement qu'il sera possible d'agir en réparation des dommages causés aux consommateurs.

Problème qui est mis en lumière par cette affaire : les petits ruisseaux font les grandes rivières. Les dommages sont individuellement trop faibles pour qu'il soit intéressant pour un consommateur de poursuivre en justice son opérateur, et parfois il n'est même pas intéressant de passer le temps nécessaire pour retrouver les factures prouvant que l'on a bien été victime de cette spoliation. Que dire de l'inflation des procédures en Justice ?

C'est pour ces raisons qu'ont été prévues des voies de Droit dans lesquelles les associationsde consommateurs agréées tiennent le haut du pavé.


Ainsi, au début des années 1990, l'inventeur du Droit de la Consommation, Jean Calais-Auloy, a vu un volet de son projet d'actions de groupe traduite légalement aux articles L422-1, L 422-2 et L 422-3 du Code de la Consommation. Il ne s'agissait que du mécanisme qu'il envisageait pour les litiges de groupes impliquant un faible nombre de consommateurs, ce qui explique son inadaptation aux litiges de grande ampleur.

En fait, il s'agit d'un mécanisme simplifié de mandat, qui allège notamment les obligations d'information du mandant.

Il n'en demeure pas moins que ce mécanisme reste lourd, exige des frais et un investissement en temps trop importants pour que le consommateur y ait largement recours. Alain Bazot, le président d'UFC que choisir (plus importante association de consommateurs en France), et qui avait pourtant assumé tous les frais de la procédure pour les plaignants entrant dans son "action en représentation conjointe", n'a réussi a rallier que 12 500 dossiers sur les 20 à 30 millions de victimes (oui, quand même !).

Jacques Chirac l'avait demandé lors de la présentation de ses voeux en 2005 : un effort devra être fait pour créer une vraie action de groupe, une class action, en France avant la fin de son règne présidentiel. S'en sont suivis des conventions de la DGCCRF et du MEDEF sur le sujet, je vous encourage à lire celui du MEDF qui peut se résumer ainsi : une intervention du Baron Seillière en introduction et en conclusion, en défaveur de l'action de groupe, et le défilé des intervenants favorables au principe de la Class action, et s'interrogeant sur la forme qu'elle devrait prendre.

Un projet est actuellement porté par la majorité. Il est insipide, inutile, sans consistance. Oserais je dire, sans réalité, sinon d'être un leurre pour feindre de se préoccuper d'un accès à la justice catastrophique. Doit on rappeler l'agitation au tribunal de Bobigny en faveur de la réévaluation de l'aide juridictionnelle? Et le rapport de l'UMP sur cette justice à trois vitesses ?

Je vais essayer de produire pour Agoravox une analyse du projet de loi, mais en tout état de cause, l'Appel des 100 n'a pas été entendu, et j'en ai eu la confirmation lors du colloque de novembre 2006 sur le Droit de la Consommation qui s'est tenu à Montepllier. Me Casanova, bâtonnier du barreau de Montpellier, Me Henri Temple, directeur du Centre de Droit de la Consommation de la Faculté de Droit, et son propre maître, Jean Calais-Auloy, ont pris dans leur tempête d'arguments le député UMP et la représentante du MEDEF présents.

Ce que les anglo-saxons appellent "private enforcement" est probablement le terrain sur lequel il faut faire porter l'effort pour qu'un jour le Droit de la Concurrence soit dissuasif (voir cette analyse de Panafieu sur le sujet). En particulier en cette époque où l'on peut s'interroger sur le volontarisme de l'Etat en la matière : drôle de vision de l'économie que celle de M. T. Breton, non?


Chevènement / Royal : un accord trop parfait



Les deux accords (électoraux et politiques) qui ont été officialisés et ratifiés ce week end, entre le MRC et le PS, soulèvent de nombreuses interrogations qui empêchent à l’observateur de consolider son opinion à leur sujet.
Nicolas Voisin l’avait annoncé dans son blog dès vendredi soir : Chevènement a annoncé qu’il retirait sa candidature au profit de la candidate socialiste Ségolène Royal, qui avait déjà bénéficié du désistement des radicaux de Christine Taubira. « Ségo » était d’ailleurs à ses côtés lors du meeting que le Président d’honneur a tenu à Paris XIème.

L’ancien ministre, qui avait obtenu 5,3% aux présidentielles de 2002, qui avait porté le « non » au Référendum en 2005, obtient par là un accord politique et un accord électoral intéressant, et opportun : laisser les radicaux se désister en premier lui laissait une position de dernier courtisé favorable.

France 3 a interviewé le Che ce dimanche soir, pour l’édition de la nuit. Le journaliste François Letellier a été très pertinent, et son vis-à-vis a régulièrement été contraint de déplacer sa réponse hors du terrain de la question (avec une façon originale de faire de la langue de bois qui consiste à s’exprimer sur le fond plutôt que de se justifier sur la forme).

L’accord électoral porterait, selon les mots de J.P. Chevènement lui-même, sur une dizaine de circonscriptions pendant les législatives. Nombre mitigé, mais qui laisse entrevoir des clauses secrètes : en fin d’interview, l’ancien ministre n’a pas exclu de retourner au PS dans les années à venir, et n’a pas fermé la porte à une fusion MRC-PS. Par là, le Che a probablement signé la mort prochaine du MRC sur l’autel du bipartisme, ainsi que le laissait envisager les analyses des experts en Droit constitutionnels après le quinquennat de 2000, à moins que la dose de proportionnelle annoncée par l’ancien ministre ne change finalement la donne.

Mais l’habileté de Chevènement aura été d’avoir obtenu un accord politique, qui se concrétise en une déclaration commune ( et ici ). Accord opportun puisque semblent avoir été conservées les principales orientations du programme du MRC, ce qui lui permet de clamer haut et fort qu’il s’agit là d’une « union » et non d’un acte d’allégeance.

Par exemple les points les plus marquants en ce qui concerne le volet économique sont : réduire l’indépendance de la Banque Centrale Européenne (dévaluation de l’Euro), entraver les OPA étrangères, une politique énergétique ambitieuse, la protection des services publics, la revalorisation des bas salaires, l’augmentation de l’imposition des revenus du capital, et, ce qui est peut être le plus ambitieux, une modification des normes de l’OMC afin d’imposer des minima sociaux et environnementaux, le protectionnisme afin d’endiguer les délocalisations et de combattre le chômage, et la mise en place d’une clause antidumping social au niveau européen.

Ces mesures, alors que l’emploi est la première préoccupation des français, étaient la pierre angulaire du programme de J. P. Chevènement, et il a répété que sa première priorité était cette « réorientation de l’UE en faveur de la croissance et de l’emploi ». A l’entendre à Soir 3, son projet divergeait de celui de L. Jospin (notamment sur le quinquennat), et nettement moins de celui de S. Royal. Malgré leur fronde commune à l’euro fort, on a du mal à la croire tant la présidente de Région clame qu’elle attend les résultats de sa consultation nationale pour se déterminer. A moins que sa vision soit déjà établie et qu’il ne s’agisse que d’une façade ?

L’accord est presque trop beau et trop fort pour être vrai : il semble bien que l’un des deux bluffe. A moins que ce ne soient tous les deux : l’une cherchant à voir se rallier les 5,3% de français sensibles à l’approche de Chevènement (les urnes parlent mieux que les sondages), ou au moins à éviter autant que possible un report de voix, l’autre assurant à son mouvement (et à lui-même) une pérennité difficilement garantie depuis le 21 avril 2002. D’une convergence d’intérêts ne serait alors née qu’une déclaration qui, une fois de plus, sera superbement oubliée au moment d’exercer le pouvoir ?

Sur le blog de Chevènement, les réactions sont très tranchées et franchement partagées, bien plus en tous cas que le score de 84% de délégués en faveur du ralliement au PS (mais il faut dire que le militant, le sympathisant n’a pas la même obligation d’obtenir des mandats qu’un homme politique en ayant fait sa carrière).

Gageons que de nombreux votants qui se défiaient de S. Royal se voient désormais forcés de s’interroger sur sa crédibilité, et surtout, du respect qu’elle aura vis-à-vis de ses engagements, non seulement électoraux, mais surtout politiques : il s’agit des premières promesses claires qu’elle fait, après avoir démontré la légèreté avec laquelle elle considère le programme socialiste.

Désormais S. Royal va devoir assumer une position nouvelle : d’outsider, elle devient responsable d’un amalgame de courant divers, allant du chevènementisme aux pro DSK. Tout peut en sortir, le meilleur comme le pire et après des primaires en promenade de santé, les choses très sérieuses commencent pour la candidate.

7.12.06


Poussons le solide programme du FN dans ses retranchements…

… plutôt que d’essayer de disqualifier le candidat.


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