agir-et-reagir

19.10.06

Doit on repenser le commerce équitable?

Le commerce équitable s’installe avec ses codes et ses pratiques. Quels sont-ils ? Ne sont-ils pas perfectibles ? Est-il nécessaire de repenser le commerce équitable ? Si oui, comment ?



I Une affaire du privé, le commerce équitable ?

Loin de l’Etat, le commerce équitable a construit ses principes autour de la certification. Ce qui veut dire que des entreprises sont apparues, ou ont pris à leur compte la vérification par les producteurs de règles qu’ils se sont auto imposées. Bien sûr rien n’oblige un producteur à s’y plier, mais dans ce cas il ne pourrait afficher le logo du certificateur, sous peine d’être accusé de publicité trompeuse, voire de tromperie ou de contrefaçon de la marque. L’Etat est donc ici en filigrane, puisqu’il assure l’effectivité de l’engagement et le respect de la marque par l’application de la « loi des parties ».

Mais l’Etat ne va pas rester éloigné très longtemps et va se trouver impliqué à travers des règlements, des normes officielles ou des conventions pour l’amélioration de la qualité. Ces dernières, moins connues, sont particulièrement intéressantes. Un entrepreneur qui veut voir établie une convention sur un nouveau procédé, un nouveau critère qualité, va voir le service en charge de l’Etat et en fait la promotion. L’Etat va réunir professionnels, organisations de consommateurs, et les négociations sur la teneur et l’opportunité de la norme commencent sous sa tutelle en présence de tous les intéressés. Le but est d’aboutir à un standard qui aura vocation à s’étendre et à devenir le standard courant pour tous les producteurs. Si la négociation aboutit, le producteur peut afficher le logo « Approuvé » sur ses produits et peut s’en revendiquer devant les consommateurs, les assurances, les banques.

En ce qui concerne les autres normes, comme « issu de l’agriculture biologique », seuls ceux qui respectent le cahier des charges imposées peuvent s’en prévaloir. C’est d’ailleurs pour cette raison que Danone a du abandonner la marque Bio pour Activia, et que « BA » n’a plus eu le droit d’être disposée dans les étalages réservés aux yaourts (ce qui a causé la faillite du producteur initial). Il s’agit d’une interprétation stricte de la loi qui interdit « d’adopter » une dénomination réservée. En ce qui me concerne, je considère que conserver sa marque ne devrait pas être pénalisé, sauf mauvaise foi patente (mais à l’époque du lancement de Bio de Danone l’agriculture biologique n’était pas encore aussi clairement à part). Ce qui n’exclue pas les consultations préalables, et c’est le moment pour les lobbies de faire entendre leur voix.

Tout ceci contribue à une pléthore de labels aux cahiers des charges divers, ce qui ne favorise guère le choix du consommateur. Quand on lui laisse le choix...

II Renverser la filière inversée du commerce équitable

La logique du commerce équitable et des autres produits concourrant au développement durable est la logique dite de « filière inversée » (selon le mot de J. K. Galbraith dans Le Nouvel Etat Industriel). Pour la majorité des produits, le label préexiste à la production. Pour nombre d’entre eux, c’est parfaitement compréhensible au vu du cahier des charges (par exemple les ballons de foot sans travail d’enfants). Le choix de faire un café équitable comme le « Just coffee » de Consumers International est un choix idéologique, et c’est sur un critère idéologique que le consommateur va percevoir le label comme un argument de vente. Le consommateur est forcé de choisir entre un café équitable ou non. Mais s’il choisit mettons un café Malongo, il sera forcé de le prendre équitable (Max Havelaar en l’occurrence).

A l’inverse, et c’est plus gênant, il ne dispose pas d’une option « équitable » sur tous les produits qu’il voudrait. S’il veut des Nike, des Puma, des Reebok ou des Adidas, il devra se passer de la certitude d’une production équitable. Pire, il renonce même à tout droit de regard sur une production « humaine » à savoir horaires acceptables, interdiction des test de grossesse systématiques, sécurité sur le lieu de travail, salubrité des locaux et des dortoirs (Naomi Klein décrit dans son « No Logo » des dortoirs philippins à Cavite, « véritables souricières en cas d’incendie »).

Restons sur l’exemple généralisable des baskets. Qu’est ce qui empêche à une association de recueillir des fonds qui seront directement et quasi intégralement reversés aux travailleurs, dont le salaire est négligeable au vu du prix du produit (30 centimes par pièce environ, sur des produits de 60 à 150 euros, soit au mieux 0,5% du prix) ? Cette association pourrait faire sa promotion devant les détaillants, voire conclure des accords avec des chaînes de boutiques comme « Foot Lockers », « Décathlon » ou « Courir ». Il est rare qu’un consommateur soit à 5 euros près lors de l’achat de ses chaussures (pour les hommes, même peu consuméristes, un choix tout particulier est porté à celles-ci).

III La Mise en pratique de « l’abondement au salaire » : obstacles et atouts

Les principaux obstacles que je peux identifier « à chaud » sont :

1 La dissociation du paiement. Si l’on se voit proposé lors du passage en caisse « l’abondement au salaire », cela permet que ses facilités de paiement (carte de crédit notamment) demeurent intactes. Si la chaîne de distribution est partenaire, ou que le consommateur à un compte créditeur dans l’association, ce problème est éludé.

2 La difficulté à identifier le travailleur et à acheminer l’aide. Pour cela il faudrait l’assistance du producteur, qui trace de toutes façons ses produits. Ou se résigner à aider « à l’aveugle » c’est-à-dire plus ou moins arbitrairement.

3 La répartition des fonds est délicate. Il serait bon de laisser les entreprises d’assistance s’en charger elles-mêmes quitte à les contrôler, et de laisser le consommateur arbitrer selon ses propres critères. L’un voudra une assistance à la création et à la dotation de coopératives, l’autre la remise la plus intégrale possible entre les mains d’un seul ouvrier (ou de sa femme, qui se révèle souvent plus responsable !), ou aux accidentés du travail, ou bien la diffusion sur tout le site de production, ou l’amélioration des conditions de sécurité.

4 Nous pourrions avoir à supporter l’animosité de la marque qui ne voudrait pas d’ingérence dans ses affaires. Evidemment rien ne le justifierait, ce qui porterait une grave atteinte à son image de marque. Dans le cas du chantage direct auprès des ouvriers (« c’est eux ou nous ») la situation serait sans doute plus délicate. Et que dire d’une corruption des autorités locales pour menacer ou expulser les associations ?

Un atout décisif : une solution plus facilement extensible

Si l’on parvient à associer un grand distributeur, on pourrait imaginer les produits du magasin « participant à l’opération » (selon l’expression consacrée) patchés d’une gommette jaune (j’aime bien le jaune ! et pourquoi pas jaune d’abord ?) et lors du passage en caisse, on pourrait panacher facilement les produits pour lesquels abonder ou non, selon ses préférences et ou ses moyens. Voire enregistrer ses préférences dans sa carte de fidélité (produits, associations, fréquence ; par exemple abonder à hauteur de 4 euros pour tout vêtement payé plus de 50 euros, et verser la somme selon les modalités de l’association « Soleil pour tous »).

En conclusion : Comme souvent pour comprendre un système il aura fallu en sortir. J’aimerais beaucoup voir cette proposition « d’abondement du consommateur au salaire » mise en pratique car il me plait que la contribution soit extensible, simple, directe, concrète, liée à un travail ingrat donc qui ne renforce pas l’assistanat ; et le consommateur a un réel choix quand aux critères auxquels il est sensible. Gageons que si le soutien des principales marques est acquis et que quelques distributeurs s’y joignent, une bataille décisive pour le développement économique et social serait gagnée. Et nous pourrons alors nous atteler à l’écologie (et au sociétal ?) avec toute notre énergie.

18.10.06

Les Révolutions d’hier sont elles encore envisageables de nos jours ?

Le progrès technologique qui fait qu’un infime minorité de militaires professionnels et bien équipés peut tenir un pays n’oblige t elle pas à changer notre conception de la révolution ?



I En France le Pouvoir n’a jamais hésité à réprimer dans le sang les émeutes révolutionnaires.

Pas la peine de remonter très loin pour voir des répressions disproportionnées : 150 CRS qui ont bien mariné, qui ne sont ni formés qui équipés ni ordonnés pour arrêter mais pour neutraliser, et ravis de casser du " gauchiste ", chargèrent contre 35 étudiants terrés dans la Sorbonne lors des occupations contre le CPE (étudiants qui ont quand même exagéré en lançant des objets denses d’une hauteur de plusieurs étages, bien que la peur fait prendre des décisions inconsidérées). On imagine la réaction qu’aurait l’Etat face à un risque révolutionnaire réel... et on en frémit !

D’ailleurs il devenait de plus en plus difficile pour les insurgés de faire basculer la tête de l’Etat. Il faut croire que les deux guerres mondiales ont conduit à mettre en place des dirigeants plus conscients de l’importance de l’Opinion publique pour remporter les élections, puisque le temps passant les courants principaux en compétition ont divergé de moins en moins radicalement, la victoire ou la défaite dans les urnes tenant désormais à des détails. Dès lors la répression radicale n’avait plus de raison d’être.
Notre dernière " Révolution " est l’œuvre des 68ards qui, après un mai qui leur servit de prise de conscience, et une fois majoritaires dans la vie active ont confisqué le pouvoir et renversé l’ordre établi. Ils ont modelé une société à leur image, d’incurie, d’insouciance, pendant que les hommes politiques ont à l’abri des regards des gentils contribuables détourné ou gâché les fruits des 30 glorieuses sans songer que le rêve aurait une fin au début des années 70.

Aujourd’hui leurs enfants sont plus renards que jamais, et déterminés à verrouiller la machine. C’est pour eux, contrairement à leurs parents, une question de survie de leurs acquis. Il ne reste guère plus que des privilégiés à vie ou des galériens à vie dans notre France sans mobilité sociale (je le répète souvent, mais c’est tout de même la pire d’Europe derrière la Roumanie).



II La question de la Révolution se pose différemment pour les populations arabes et africaines.

1 Celles-ci n’ont jamais pu (ou su) prendre leur destin en main.

Leurs despotes sabotent méthodiquement tout espoir de prospérité de leur pays pour ne se préoccuper que de leurs profits personnels, souvent en vendant au plus offrant des néocolonialistes leur Nation (et ses habitants dès que possible. Pensez à la prostitution enfantine, aux trafics d’organes, à la main d’oeuvre exportée à Dubaï sans espoir de retour).

En Asie certaines dictatures sont tout aussi liberticides mais leur patriotisme, leur cohésion sociale et une discipline culturellement ancrés entraînent une certaine prospérité économique dont certes peu profitent mais qui n’est pas contestable. D’autres dirigeants ne sacrifieraient pour rien au monde leur condition d’Etat manufacture, de peur de voir fuir les capitaux.


2 On a souvent mis la corruption de ces Etats sur la sellette comme cause du manque d’ambition nationale de leurs dirigeants

En réalité il semblerait que le lobbysme n’est qu’une forme de corruption contraint à la légalité par la prospérité de l’Etat et sa capacité à affronter les pressions extérieures, et que l’un se substitue à l’autre. Et le lobbysme peut être un facteur d’aide à la décision appréciable quand il est correctement canalisé. Il faut donc passer par une phase ou cette souveraineté sans faille s’exprime, le temps de mettre le pays sur de bons rails.


III D’où attendre la Révolution ?


1 Celle-ci peut venir de l’intérieur

Un homme ou un groupe providentiel peuvent tout changer depuis le pouvoir. Lequel se trouverait à la tête de l’Etat ou parviendrait à influencer suffisamment ses dirigeants (le roi Juan Carlos d’Espagne avait une légitimité historique, Napoléon une légitimité charismatique et les révolutionnaires de 1789 une légitimité rationnelle mais l’air de rien, sans les Etats généraux convoqués par un Louis XVI volontaire pour rétablir la situation financière du Pays...).

Ou bien une véritable Révolution peut avoir lieu, au sens du basculement des institutions et de ses membres. Peut on imaginer que des Etats tyranniques soient aujourd’hui basculés ? S’ils n’ont jamais connu la liberté, il est délicat de croire qu’ils puissent suffisamment apitoyer le Pouvoir ou bien se mettre l’armée de son côté (un cas exceptionnel cependant : la Révolution des œillets au Portugal) pour ne pas être cruellement et continuellement balayés. Il reste à attendre que le " ras le bol " soit suffisant pour entraîner une révolte longue et généralisée qui conduit normalement à l’arrivée au pouvoir du groupe le plus violent et le mieux organisé. A ce moment la révolution peut se faire " de l’intérieur " ou on est repartis pour un tour.

Fait intéressant : si le peuple a le droit de vote, les urnes lui donnent généralement l’occasion de se jeter lui-même dans la gueule du loup que ce soit en Palestine avec le Hamas ou en France avec un vote sanction qui se cristallise autour de J. M. Le Pen, un peu comme en 1933 avec l’accession légale d’Hitler au pouvoir (à bon entendeur).

2 Il nous reste deux types d’interventions extérieures

Les " révolutions Oranges " à l’Ukrainienne, très appréciées des média et conçues comme un plan marketing, pacifiques mais qui sont pour la plupart payées par une puissance étrangère qui compte sur un bénéfice ultérieur (en l’occurrence les USA).

Deuxième type d’intervention extérieure : l’invasion et le remplacement des institutions, en finançant, entraînant et armant une guérilla ou par l’utilisation de son armée régulière. Au mieux on a une dictature militaire (Amérique du Sud), et au pire un chaos généralisé voire une guerre civile latente ou déclarée (Irak).



IV Comment mener les prochaines révolutions ?


1 Que souhaiter à l’Afrique et aux Etats arabes dictatoriaux ?

Laisser le régime décliner avec la décadence de ses élites. Il nous faut accepter que ces pays fassent leur maturation politique, c’est long et ça nécessite qu’ils aient la même souveraineté que celle des pays industrialisés.

En attendant éviter le néocolonialisme qui ne fait qu’entretenir les groupes armés qui alternent au pouvoir selon lequel est le plus favorable aux entrepreneurs et financiers étrangers. Encourager les zones de libre échange entre pays de même développement économique pour passer outre la concurrence des pays développés et autres Dragons industrialisés. Autre mesure capitale : assécher financièrement les groupes obscurantistes et radicaux qui prospèrent sur le malheur de la population. Ce qui signifie qu’une grande traçabilité financière, entre autres, est capitale pour débusquer leurs bailleurs de fonds et leurs fournisseurs en armes et munitions, pour beaucoup occidentaux.
Pour éviter une débordement d'optimisme, je dirais que l'Afrique n'a jamais eu l'intimité qu'ont eu les Etats occidentaux pour se construire. L'Afrique a depuis des siècles subi une ingérence néfaste qui l'a empêché de choisir son destin et qui, il faut l'avouer, a permis à ses dirigeants de trouver des bouc émissaires tout désignés.



2 En Occident la révolution est à réinventer

Elle se fera principalement par la mise en lumière de l’action du gouvernement. Sa visibilité le contraindra a devenir plus responsable, et a terme le régime devrait devenir démocratique avec l’appropriation des débats publics par des prescripteurs d’opinions plus fragmentés et plus critiques. Aujourd’hui ce sont les mass media qui posent les questions et suggèrent les réponses.

Pour l’instant les classes dirigeantes et les mass médias ne se rendent pas tout à fait compte que leurs actions sont décortiquées par le proNétariat, mais l’ouverture de l’option forum sur http://www.libération.fr va faire tomber les écailles de certains yeux (sauf si le mépris de la plèbe est trop fort). On peut même voir de véritables cahiers de doléances sur http://www.jeneveuxplus.net, sans éviction d’un seul courant politique.

La violence qui s’exerce sur la population est plus insidieuse mais non moins palpable. Si vous en doutez, je vous recommande de faire un peu de social dans les banlieues, vous serez surpris. Si vous avez peur de la différence demandez à un jeune diplômé combien d’années de stages sous payées il a enchaîné avant son premier emploi décent (si c’est chez papa qu’il travaille, ça ne compte pas bien sûr).

La prise de conscience sera difficile en raison de l’omniprésence télévisuelle (4h en moyenne par jour et par personne) et de la prise intense de psychotropes (de 33 à 43% de la population sous antidépresseurs lourds selon Bruno Etienne). Malgré tout la défiance se généralise puisque 69% des français ne font aujourd’hui confiance ni à la Droite ni à la Gauche pour réformer le pays.



3 A quoi s’attendre ?

Il est à craindre que notre prochaine Révolution se fasse au bénéfice, une fois de plus, d’une minorité active et cynique. La faillite de l’Etat devrait aboutir à une oligarchie façon Russie de Poutine, puisque même le petit Bush ne semble pas déterminé à assainir l’Etat mais seulement à le dépecer au profit de ses généreux amis.

Mais peut être que pour la prochaine nous serons prêts à choisir notre destin. A savoir non seulement ce dont nous ne voulons plus, mais aussi à imposer ce que nous voulons.

Sans vouloir préjuger trop hâtivement du meilleur système, commençons à y réfléchir car c’est le premier pas.

En ce qui me concerne, je crois que les femmes auront le beau rôle lors de prochaines Révolutions. Les étudiantes en guerre contre le CPE ont été déterminées, courageuses, soucieuses de leur avenir, sans inhibitions quant à leur engagement et très humaines.

Elles sont surtout au final bien plus réalistes que les hommes trop sûrs de leur capacités et incapables d’apprécier rationnellement l’impact de l’échec d’une société sur leurs propres vies.

La guerre au Liban prophétise t elle une lutte fratricide durable ou est elle un des derniers soubresauts de régimes tyranniques mourants ?

Août 2006

La guerre qui se livre en ce moment entre un Etat d’Israël « jusqu’au boutiste » et un Hezbollah qui joue de ses boucliers humains pour rester insaisissable choque notre humanité par la dureté des combats et le déchaînement de violence aveugle auquel les deux belligérants ont recours.
Manifestement, nos deux larrons, voleurs de vies, d’argent (le nerf de la guerre) et surtout d’espoir semblent avoir rempli leurs objectifs réciproques.

Pour le Hezbollah :

Empêcher un Liban qui s’affranchissait ces derniers mois de l’influence syrienne néfaste d’accéder à une souveraineté pleine et entière et à la prospérité dont il a été privé depuis trop longtemps. Distraire les forces armées israéliennes et celles de leurs alliés américains d’un Iran dont le programme nucléaire était la cible des attentions. Montrer au monde que le terrorisme est déterminé et indéracinable militairement, même par les plus vigoureuses opérations. Maintenir l’Etat impuissant et corrompu qui lui permet de justifier sa présence et son « impôt » dont une partie finance la lutte armée (le reste du financement occulte provenant probablement de la Syrie et de l’Iran), mais dont un part sert aux habitants (établissements éducatifs, crèches... bien sûr partisans, mais qui occupent un terrain laissé à l’abandon).

Pour les faucons Israéliens :

Relancer la demande d’armes et de munitions des fournisseurs amis du pouvoir. Se mettre, en épuisant Tsahal dans une chasse à la chimère perdue d’avance, en situation de faiblesse (car il est difficile de croire que les services secrets israéliens aient tant perdu la main qu’ils aient pu sous estimer à ce point les stocks de roquettes au Liban Sud). Ceci pour impliquer tous les occidentaux dans la prétendue « guerre de civilisation » qu’ont décrété les Néo Conservateurs américains, leurs alliers fanatiques en Israël, et leurs laquais du Royaume Uni (peut être bientôt à cette liste devra t on ajouter leur admirateur qui se présentera l’an prochain aux élections présidentielles françaises). Sachons le : Israël s’affaiblit, et l’on nous demandera bientôt de choisir entre l’OTAN et « l’Axe du Mal ». Enfin, plus ignoble que tout, souiller les mains et les âmes de la jeunesse israélienne dans des combats ineptes et sanguinaires. L’impliquer dans ce gigantesque crime inqualifiable. L’obliger à se trouver des prétextes pour porter le poids d’une telle responsabilité.



Certains objectifs sont convergents comme ne laisser aucune distance pour apprécier les événements, et radicaliser les esprits (pour mieux exclure les divergents, et mieux justifier son propre extrémisme) ; et surtout empêcher à tout prix le développement harmonieux au Liban, qui présente un visage cosmopolite et affichant une belle diversité religieuse (au moins pour la région !) inadmissible.

Depuis le document de Genève de 2003, la Paix était redevenue possible (aucun hasard dans le fait qu’elle émane d’acteurs « privés », tous d’anciens officiels). Sharon le faucon menait une surprenante et prometteuse politique de désengagement unilatéral, malgré l’érection du « mur de la honte ». On pouvait tout du moins s’imaginer qu’à son départ les bases du règlement définitif soient adoptées.

Il devenait urgent pour nos larrons de le mettre hors jeu et d’embraser à nouveau la région, de figer les camps et de resserrer les lignes lasses de leur incapacité à mener à la Paix. Ils sont malheureusement parvenus à remplir tous ces macabres objectifs.

Les Etats arabes continueront donc de se battre pour « rayer Israël de la carte » et tenir leur vieille promesse, mainte fois contrariée, de « jeter les juifs à la mer ». Ils continueront pour cela à financer des groupes armés qui se prétendent dignes résistants mais qui frappent à l’aveugle les civils. A maintenir son peuple dans l’obscurantisme et la désinformation (combien de fois ai je lu « le martyr s’est fait sauter dans un bus de colons et de militaires » ? Courrier International à reporté maintes fois les efforts inquiétants pour limiter le bien être et la prospérité du peuple, notamment en Irak).

Israël continuera à faire vivre sa population dans la crainte d’une défaite qui ne leur laisserait aucune échappatoire, justifiant une politique inique qui se complaisait à dénoncer la corruption et à se féliciter du sous développement de ses voisins, notamment palestiniens. Tout cela en faisant croire tant bien que mal que non seulement son intérêt ne passe pas par la prospérité de la région, mais qu’il sont même antinomique avec celui des Etats arabes qui doivent rester misérables pour ne pas devenir militairement dangereux. Les juifs orthodoxes vont monter en puissance, et continuer à dénaturer le Judaïsme par leurs interprétations grotesques et intéressées, peut être jusqu’au schisme.

Des visions d’horreur m’assaillent.

Ce sont ces civils palestiniens qu’on a laissé se noyer lors du retrait israélien d’une plage dangereuse à Gaza. Ce sont ces jeunes à peine majeurs qui auront pour rituel de passage à l’âge adulte des bombardements sur des cibles civiles. Ce sont deux peuples frères qui se tuent et se laissent mourir.

Ce sont aussi ces tirs à l’aveugle du Hezbollah sur le quartier arabe de Haïfa le 7 août, et le maire de la ville qui les regrettait amèrement et réaffirmait sa fierté envers sa ville cosmopolite qui vivait en bonne intelligence. Enfin une étincelle d’espoir qui émerge du noir. Nous ne voulons plus savoir à qui est le sang qui coule, nous voulons tarir ce fleuve infâme. Et nous commençons à le faire savoir.

Peut être que ces massacres ne sont ce que les derniers tressaillements d’une idéologie tyrannique mourante, les crimes de chaque régime servant de prétexte à l’asservissement de son propre peuple. Ainsi que nous l’avons vu pour de nombreuses dictatures : lorsque le glas sonne, tout est tenté dans la précipitation et la violence extrême.

Alors que les radicaux s’acharnent, les modérés prennent peur devant la monstruosité des visages dévoilés par la chute des masques. Agora Vox a été (et demeure) un théâtre privilégié pour ce spectacle. Si le sujet n’était pas si grave on pourrait presque rire devant la fragilité des arguments avancés par les uns et les autres, leurs sources obscures tellement partisanes (quand ils n’usurpent pas eux-mêmes des titres ronflants), les raccourcis simplistes, les disqualifications raciales, religieuses ou culturelles, le poisson noyé cent fois, les joutes à coup de sourates et de versets, et surtout la rage aveugle et manichéenne de certains intervenants.

Pourtant on ne s’oppose pas éternellement à la marche de l’Histoire. C’est une prise de conscience qui s’élève comme une énorme lame de fond, et elle emportera tôt ou tard tout sur son passage : les renards du pouvoir et les loups qui attendent leur heure. C’est la prise de conscience que le destin des uns est dépendant de celui des autres. Que la Paix ne se fait pas seul et égoïstement. Que celui qui me fait face est de la même humanité que moi. Que les guerres ne sont plus des questions de survie, malgré tous les efforts pour nous le faire croire et nous mettre dans des impasses. Nous réalisons que depuis trop longtemps nous ne nous battons pas pour notre Peuple, ni même notre Nation ou notre Etat, mais pour les intérêts des menteurs cyniques qui nous gouvernent.

C’est une lutte sans fin entre l’humanité et ses démons qui doit nous préoccuper. Elle comporte déjà tant d’épisodes, de cycles alternant oppression et libération. Il nous faut briser la spirale et reprendre la main. Elle doit commencer dans notre for intérieur et s’étendre à nos proches. Il nous faut recommencer à poser les bonnes questions et cesser de l’éterniser sur l’inextricable comptabilité des responsabilités car « Two wrongs never made a right ».

Nous aurons gagné quand au choix prétendument impératif qui nous est laissé « Il vous faut les détruire ou mourir », nous serons capables de répondre aux responsables de nos malheurs « Nous ne ferons ni avec vous, ni contre vous. Nous ferons sans vous ».

Espérons juste que nous aurons le temps nécessaire pour que s’essoufflent les fondamentalismes et que Osamu Nishibe se trompait lorsqu’il affirmait en 2005 que sur la planète, « seuls 600 000 personnes, 6 millions au grand maximum, garderont leur lucidité ».

A nous de faire partie de ceux-ci et d’en grossir le nombre.

17.10.06



Les campus vont-ils donner le ton de la campagne pour 2007 ?



L’an dernier, le mouvement anti-CPE n’est venu ni des associations étudiantes ni des syndicats, mais de noyaux actifs d’étudiants pour la plupart ni encartés, ni affiliés à un courant idéologique. Cette originalité va-t-elle laisser une trace durable sur la vie associative et politique étudiante? Soyons attentifs: les jours à venir donneront probablement le ton de cette saison universitaire et politique.

Retour sur un mouvement spontané

Comme pour le CNE introduit par voie d’ordonnance pendant l’été 2005, les syndicats et les associations étudiantes principales sont restés figés face à un CPE (introduit par voie d’amendement gouvernementale le 16 janvier et discuté en urgence le 31 janvier 2006 avant le recours au vote bloqué du 49 (3) de la Constitution). Ce sont donc de petits groupes d’étudiants motivés qui ont mobilisé pour un marathon politique, en plus des facultés de Lettres et les filières STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) toujours sur le qui-vive, les UFR qui d’ordinaire ne sont pas touchées par les politiques gouvernementales : essentiellement les facultés de Sciences, plus rarement rejointes par les facultés d’Economie, voire de Droit.

Si les facultés de Lettres ont habituellement des occupations d’amphis, des manifestations d’opposition, des assemblées générales, le blocage de certains cours, et sont observées de loin par les autres étudiants, cette agitation a cette fois directement impliqué une variété et un nombre bien supérieurs. C’est une nouveauté pour ceux qui furent bacheliers avant 2002, puisque les lycéens, malgré quelques galops d’essai sous le mandat législatif de la gauche plurielle, restaient encore presque tous hors du jeu politique. Depuis, c’est une génération qui fait la grève et bloque son lycée dès l’âge de quinze ans, presque aussi fréquemment que les facultés de Lettres, qui arrive en fac.

Des participants volontaristes, sincères et déçus du monde politique

Le « gros des troupes » du mouvement anti-CPE était formé d’étudiants ordinaires et représentant largement plus les 69% de Français qui ne font confiance ni à la droite ni à la dauche pour gouverner la France (enquête Cevipof et ministère de l’Intérieur). Et les syndicats n’ont pas meilleure presse. Une France sceptique qui, si elle ne sait pas exactement ce qu’elle veut, sait ce qu’elle ne veut pas. Une France qui sait aussi que dans un monde du travail de plus en plus rude et compétitif, elle vivait ses dernières opportunités de participer aux conflits sociaux sans en subir les conséquences de plein fouet. Une France qui est plus disposée à se réformer qu’on veut bien le dire, mais qui veut pouvoir s’impliquer dans cette réforme et librement y consentir plutôt que de se la voir imposée en douce. Une France qui s’est trouvée belle dans l’effort. Une France un peu clown triste, qui a senti son avenir comme du blé coupé en herbe par les générations antérieures. Une France qui s’est surprise elle-même de l’impact et du pouvoir de prescription qu’elle pouvait avoir en se prenant en charge toute seule, en créant un mouvement à son image : réaliste, actif, et aussi respectueux des principes démocratiques que possible.

Car loin des méthodes trotskisantes ou fascisantes des réunions politiques des syndicats étudiants, des sections de jeunes des partis, ou des AG du personnel enseignant (il faut le voir pour croire la teneur des règlements de compte personnels ou la violence idéologique des oppositions), les AG étudiantes n’ont fédéré que parce que dans les réunions mélangeant les UFR ou dans les filières modérées (soit essentiellement en Sciences et en Economie), le respect des règles démocratiques était une condition sine qua non pour faire passer un message efficace. Les actifs de la majorité silencieuse ont pour la première fois trouvé un lieu de rencontre et d’échange, et développé des rapports cordiaux entre eux, même entre pro et anti-CPE, ou pro et anti-blocage (pour parler de mon expérience personnelle). Ils ont été échaudés par l’extrémisme et la duplicité de certains activistes, quel que soit leur camp, et ont parfois tissé des liens de respect plus forts avec la « partie adverse » qu’au sein de leur propre « camp ».

Début avril, la substitution du plan de Nicolas Sarkozy au CPE, sans que le CNE ne soit retiré, sans que le statut des stages ne soit réformé, a été perçu comme une nouvelle réformette coûteuse qui n’a eu pour but que de jeter de la poudre aux yeux. La défection des syndicats (il faut dire que Bernard Thibaut devait se préoccuper de sa propre campagne au sein de la CGT), et de l’UNEF (dont le leader Bruno Julliard avait été érigé par les médias porte-parole du mouvement alors que la Coordination nationale a été superbement ignorée) a fini de jeter sur eux l’opprobre du mouvement, qui a tenu à se poursuivre inégalement quelque temps encore (jusqu’au week-end de Pâques, histoire d’être encore d’actualité pendant les réunions de famille). Les syndicats auront, paradoxalement, de plus en plus de difficultés à lancer des mouvements populaires et à feindre qu’ils en ont la direction.



Les AG en UFR Droit

En ce qui me concerne, j’ai fait partie du Bureau qui a organisé deux AG à la Faculté de Droit de Montpellier, inspirés que nous avons été par l’exemplarité de celles de la fac de Sciences. L’UFR de Toulouse, dont on nous avait dit qu’il s’était bloqué et avait été rouvert à la suite d’une charge de à coup de barres à mine et de gaz lacrymogènes, était un exemple de ce qui pouvait nous attendre. Nous savions donc que tout risquait de partir en vrille à tout moment et décidâmes d’être exemplaires (vote avec cochage de la carte d’étudiant notamment), de manière à avoir un bon débat ou de mettre en lumière les fauteurs de troubles. Sans trop entrer dans les détails (qui nous prendraient trop longtemps vu la liste des violences et intimidations dont nous avons été témoins), c’est le deuxième objectif qui fut atteint, puisque si la première AG a été conclue par un vote de la grève sous les alarmes incendie, la seconde AG (que j’ai présidée tant bien que mal) qui a réuni plus de deux fois le nombre des votants aux élections étudiantes de la veille (430 votants soit 9% de participants, contre le plus grand amphi de la fac de Droit de Montpellier plein comme un œuf) a fini en eau de boudin. Dans la nuit qui a suivi notre seconde AG, un énorme « les gauchistes hors des fac », avec le O en forme de croix celtique, a été tagué devant l’entrée du bâtiment 2 de la faculté, ce qui a fini d’informer les étudiants sur la faune de leur UFR.

De grandes attentes à satisfaire

En tout état de cause, les groupements se sont consolidés sur le modèle du « (pas si) seuls contre les imbéciles ». Les statuts de nouvelles associations ont été déposés. De grandes promesses ont été faites, des débats variés et contradictoires pour cette année politique qui s’annonce exceptionnelle, l’animation des campus, des soirées alternatives aux traditionnelles sorties en discothèque, et surtout plus de services aux étudiants que ceux de leurs actuels « représentants ». Bref maximiser les possibilités de réflexion, de rencontre et de vie des villes étudiantes, alors que la fac est bien trop impersonnelle et morte.



C’est un nouvel exemple de l’implication croissante d’un citoyen ni cynique, ni résigné, ni idéologique : neuf et clairement débarrassé d’une nostalgie 68arde. Les politiciens devront composer avec ses préoccupations qui sont vouées à se rependre et à s’intensifier, ou bien se lancer dans un Etat policier et / ou abrutissant ou mourir.

C’est la rentrée universitaire qui s’annonce qui nous dira si les promesses faites ont été tenues ou si, comme celles des amitiés d’aventure, elles n’ont su durer.

PS : Trois images qui m’ont beaucoup plu, récupérées sur http://www.syti.net (site à prendre avec du recul). La première, pour ne pas oublier les gens exceptionnels trop souvent couverts derrière les slogans (parfois repris un peu hâtivement de la LCR). La deuxième, pour marquer la circonspection des jeunes face à la violence, la fascination et la résignation ressenties. La troisième représente le regard porté par le pouvoir, entre mépris et méfiance.

Publication sur Agoravox


Les évasions barbares

Le terme « d’évasions barbares » est utilisé au Canada pour désigner les fuites de capitaux vers les paradis fiscaux (parfois simplement le temps d’un simple passage). Cet article, volontairement (trop) court, vise à répondre à quelques questions. Quels sont les principaux moyens d’évasion fiscale, qui se confondent souvent à ceux du blanchiment d’argent sale ? Quels moyens de lutte peut on envisager ?



Trois méthodes de blanchiment :

Le blanchiment s'effectue par le biais de trois méthodes principales: le placement, l'empilage, l'intégration. Celles-ci sont facilitées par la libre circulation des biens et des capitaux aménagée en général par l’OMC, et en particulier par l’Union Européenne, au sein de laquelle le Luxembourg et voisine de nombreux paradis fiscaux (Lichtenstein, San Marin…).

Le placement consiste à écouler les sommes en liquide par le biais d'achats en espèces dans des banques complaisantes d'action ou d'obligations, en investissant dans des objets de luxe, d'art, de biens immobiliers. Pour les achats, la méthode est simple : on va diffuser l’argent sale par petites touches en le dépensant chez des vendeurs qui, brassant de sommes considérables, pourront le diffuser discrètement.

L'empilage vise à la multiplication des opérations financières faisant transiter l'argent suffisamment pour que l'on perde sa trace et le bénéficiaire de l'opération au détour par exemple d'un paradis fiscal.

Enfin l'intégration utilise des sociétés-écrans éphémères sans véritable activité autre que des opérations de fausses factures, faux prêts, achats ou ventes, le temps de déposer le bilan.

La « perte opportune » :

Comme les mousquetaires, les trois méthodes de blanchiment d’argent sale sont en réalité quatre : la meilleure que j’appelle la « perte opportune ». Elle n’est pas vraiment liable aux trois catégories usuellement reconnues par les analystes.

Une méthode alternative consiste à faire tout bonnement faire un dommage fictif par la société écran à la société réceptrice de l’argent : cette dernière intente un procès, gagne car la défense de sa complice est pitoyable, et c’est la justice qui va, par sa décision, blanchir la somme.

La « perte opportune » peut aussi se concrétiser dans un casino. Une partie privée est organisée pour les employés des clients désirant échanger leur argent. On ferme les portes, et ces messieurs vont ressortir en déclarant avoir gagné / perdu précisément la somme qui les arrange. Le casino se charge quant à lui de brasser le reste de l’argent dans le courant très vif de ses salles de jeu, et empoche sa commission.

Enfin la « perte opportune » est quasi miraculeuse en ce qui concerne le jeu en bourse truqué. Les chambres de compensation, comme Clearstream, consistent à établir des comptes courants entre leurs clients, compensant leurs dettes et créances réciproques. Certaines vont assurer un service supplémentaire : les clients vont leur déclarer leurs avoirs en actions et en obligations cotées en bourse. Dès lors les chambres de compensation vont simuler la perte en bourse, au fil des achats et des ventes de la journée, d’un client au bénéfice de l’autre. Comment y parviennent elles ? D’une part elles peuvent antidater leur transaction, ce qui justifie la nécessité d’avoir un compte dans la chambre de compensation, et d’autre part elles peuvent utiliser des outils d’analyse mathématique pour anticiper à très court terme les fluctuations et jouer sur de toutes petites touches cumulées et dans ce cas un simple mandat suffit, le compte devenant inutile. Comment conservent elles les transactions illisibles ? Déjà en assurant un service régulier pour tous leurs opérateurs, ce qui empêche de ne se fier qu’aux fluctuations du compte, ensuite en multipliant l’opération des milliers de fois par jour pour des milliers de clients, ce qui peut faire aboutir à la déclaration de millions d’échanges chaque jour. Enfin en utilisant leur quota légal de plantages du système, permettant de camoufler entièrement les échanges sur une période.

Inutile de préciser que dans ces circonstances, le système est absolument illisible.

Comment lutter contre le blanchiment ?

La lutte contre le blanchiment peut se concrétiser par des actions judiciaires, qui pour moi sont vouées à l’échec, ou à une régulation simple mais iconoclaste.

Les actions judiciaires peuvent se concrétiser par des perquisitions, la délation, l’établissement de commissions rogatoires… Cependant en pratique les réticences et obstacles techniques sont suffisants pour renoncer à se reposer sur cette voie. Tout juste pourrait on appeler de nos vœux l’établissement d’un procureur européen, pouvant établir des mandats d’arrêts, des perquisitions à l’échelon européen sans avoir à passer, comme c’est encore le cas, par les ministres de la justice des deux pays (ce que l’on appelle la coopération dans le cadre du Traité, et qui a permis l’an dernier une action de saisie de drogue simultanément dans trois Etats membres dont la France, la plus grosse opération commune jamais réalisée). Et pourquoi pas un European Bureau of Investigation, à l’image du FBI américain ? Celui-ci attirerait les plus brillants des agents et magistrats, et permettrait une lutte contre la corruption et contre le blanchiment plus efficace : n’oublions pas que les hommes politiques corrompus doivent rendre compte à leurs employeurs, et qu’il faut leur laisser la possibilité de se cacher derrière l’Europe pour justifier de leurs trahisons (un peu comme ils le font pour le reste vis-à-vis des électeurs pour le reste de leur ligne politique, et 80% des lois sont des transpositions de directives, après quoi ils osent s’étonner du « Non » au référendum sur la Constitution européenne…).

Par contre, une voie plus prometteuse me semble tenir dans des réformes plus substantielles que procédurales. D’abord l’établissement d’une taxe Tobin permettrait de ponctionner une partie de chaque transfert et d’obliger à sa déclaration. De quoi dissiper une partie du brouillard. Pourquoi ne pas affecter son revenu à la chasse aux criminels en col blanc ? D’abord les fruits de cette politique bénéficient vraiment à tous, ensuite les effets de cette orientation me paraissent plus prometteurs qu’une simple redistribution (compte tenu également de la spéculation sur celle-ci).

La plus iconoclaste des propositions vient de moi : pourquoi ne pas forcer l’acquéreur (personne physique ou personne morale) d’un titre (action ou obligation) à le conserver deux semaines (ou plus ?) avant de pouvoir s’en délester ? Ce mécanisme n’empêche ni la spéculation dans le temps, ni celle dans l’espace (qui sont l’essence même du commerce). Les titres ne sont pas périssables. Seule la spéculation à très court terme (que j’ai dénoncé dans les commentaires de mon article « Stratégies marketing et régulation marchande »), se voit par contre absolument empêchée, ce qui permet de rendre la régulation marchande plus efficace car moins sensible aux attaques purement spéculatives, et plus respectueuse de son esprit et de sa légitimité économique et philosophique. Les plus pratiques moyens de blanchiment et d’évasion fiscale sont tout aussi entravés, et la baisse du nombre de transactions permettrait un contrôle plus efficace, un des principaux freins actuels à la volonté de réguler.

PS : Merci à La Taverne des poètes auquel j’emprunte avec son autorisation le titre de l’article.

Lien vers la publication sur Agorvox.fr


Critique du film : Je vais bien, ne t’en fais pas

De Philippe Lioret, avec Mélanie Laurent, Kad Merad, Julien Boisselier, Aïssa Maïga.

On dit qu’un mauvais livre est celui qui laisse son lecteur intact. Intact, le spectateur de « Je vais bien, ne t’en fais pas » ne l’est plus à la fin de la séance. Du moment que l’action commence, les situations s’enchaînent avec un grand naturel, les personnages prennent du corps, la description de notre société se fait sans verser dans la caricature.

Sans gâcher la surprise, au début du film Lily, 19 ans, de retour de vacances, apprend de ses parents que son frère jumeau a quitté la maison suite à une dispute avec son père. Les jours passent et son absence devient pour la jeune femme de plus en plus insupportable. Celle-ci étudie mais vit encore chez ses parents et les rixes verbales qui les opposent se font de plus en plus passionnées alors que ceux-ci affichent un défaitisme, une démission flagrants. Petit à petit, Lily tombe dans un état dépressif qui s’avère de plus en plus préoccupant. Elle finit par être internée en hôpital psychiatrique.

Ce n’est que le début du film mais déjà l’empathie pour Lily dont on partage viscéralement les blessures de l’âme, la qualité du jeu des acteurs et la vérité du scénario nous plongent dans sa vie et nous fait oublier, comme dans un théâtre de marionnettes, de se préoccuper des fils qui animent les acteurs. A l’image de l’œuvre, la bande son minimaliste a un effet maximal. Enfin, on se laissera surprendre par la pirouette finale, et la symbolique forte de la dernière scène accompagnera le spectateur pendant des jours entiers.

C’est ton tour, Bizut’ !

Mais qui sont ces jeunes personnes vêtues de sac plastique noirs, couvertes de crème à raser, quêtant dans la rue de quoi financer leurs premières vraies beuveries ? Quel est cet étrange jeu de rôles grandeur nature auquel ils s’adonnent ? Quelle est la signification de cette agitation ?

Septembre – début octobre est pour beaucoup l’époque de la rentrée. Depuis notre plus tendre enfance, notre ventre est noué à l’idée de changer notre environnement et notre quotidien. Les rentrées successives rythment aussi les grandes périodes de sa vie. Elles correspondent à l’entrée dans une « dimension » supérieure, avec ses codes, ses références, ses exigences. En cela, il est intéressant de comparer les rites de passage universitaires, religieux, sociaux, et d’en analyser (trop brièvement j’en conviens) les sens cachés.

La d’un rite de passage est de marquer la fin de la période précédente, afin d’en faire le deuil, de marquer physiquement la fin du cycle, l’acceptation du nouvel ordre, et l’adhésion au maintien de celui ci.



I Le deuil de la vie passée



L’entrée dans une nouvelle ère implique que le mimétisme envers les aînés devient beaucoup plus fort. Désormais ils sont nos pairs, et, comme Suzanne Citron l’a illustré dans « Pygmalion à l’école », leur regard et celui de nos maîtres, nous façonnent. Voir aussi les travaux de Rozenthal.

Alors le Bizut’ doit affronter une épreuve, depuis le saut avec un élastique pas élastique en Afrique, à une privation de nourriture, de sommeil, une grosse absorption d’alcool, la construction de la « quille » des militaires, ou une humiliation comme la quête pour financer les soirées d’intégrations dont il sortira grandit. La plupart du temps celle-ci est faite pour être surmontable avec de la volonté.

Un des Marx Brothers ne disait il pas « je ne ferais jamais partie d’un club qui voudrait m’avoir pour membre » ? Le Bizut’ ne peut revendiquer que la place qu’il a méritée.



II L’acceptation du nouvel ordre



Moins connus sont les bizutages qui visent à s’assurer la docilité du Bizut’. L’idée est d’exposer celui-ci à un comportement qu’il aurait refusé, ou du moins dont il dirait qu’il l’aurait refusée.

Par exemple une option élitiste de la faculté de Droit d’Aix en Provence avait mélangé aux nouveaux de la promotion des complices qui répliquaient régulièrement au professeur, avec le ton des fidèles d’une secte « le Droit c’est ce qui est juste » en latin (« Jus est quod justum est », si je ne m’abuse, mais je n’ai pas pratiqué cette langue depuis quelques années). Cette formule, juspositiviste, n’est pas anodine (pas plus que le buste d’Auguste Comte qui trône au milieu de la cour intérieure de la Faculté de Droit de Montpellier).

Similairement dans une grande école d’ingénieurs de Grenoble, les élèves se sont trouvés confrontés lors de leur première journée à un exercice de math particulièrement corsé, sur lequel même les anciens pensionnaires de prépas se cassaient les dents. Après 20 minutes de difficultés, et un savon humiliant du professeur, c’est une ravissante jeune femme qui à la surprise générale se proposait pour résoudre l’équation, avec des calculs hermétiques à la salle. Il s’avérait en fait que celle-ci était elle aussi complice d’une bande de deuxième année qui débarquèrent par les portes arrière de l’amphi avec force bouteilles d’alcool et rouleaux de papier toilette.

De même, en cette rentrée 2006 2007 il est amusant de remarquer avec quelle application les étudiants notent les instructions de présentation données par leurs chargés de TD, en particulier ce chargé de Droit administratif qui pousse le vice jusqu’à imposer le nombre de lignes sautées, la place des majuscules, comme cherchant à provoquer un réaction d’eux. Quand celle-ci vint enfin, il fut choquant de remarquer chez les autres élèves l’absence totale de distance prise par rapport au ridicule de la situation.

Vous l’aurez compris, cette fois ci c’est la force d’intimidation de l’Institution qui est démontrée au Bizut’. Celui-ci ayant consenti de nombreux sacrifices pour intégrer sa filière est en définitive disposé à accepter sans renâcler de nombreux abus. Le bizutage lui fait s’en rendre compte de manière incontestable. C’est un peu la reproduction atténuée de l’expérience de Stanley Milgram sur l’impact de l’autorité (l’expérience du faux quizz menant à des décharges électriques à chaque réponse erronée).



III La transmission d’un lien aux règles du groupe



Hors de question de bizuter si l’on a pas soi même été. De même, toute personne ayant été bizutée se pose la question de savoir s’il doit à son tour bizuter ou non. Le bizutage oblige ainsi le bizuté à se positionner face à la tradition, qui symbolise la règle ancestrale du groupe.

Dans le domaine religieux, le problème se traduit par des rituels à chaque fois cruciaux pour le groupe. Ce sera l’onction, la circoncision, l’excision…

Pour un juif ou un musulman, ne pas perpétrer la circoncision c’est mettre fin à une chaîne qui remonte à Abraham qui, après le sacrifice retenu d’Isaac, a signé une alliance avec Dieu par ce biais. Ne pas circonscrire son nouveau né, ne pas le baptiser, c’est risquer de se voir soi même exclu du groupe. L’inverse marquera implicitement l’aval donné a posteriori à la décision de son père, qu’il soit biologique ou symbolique (le parrain des IUT et des écoles d’ingénieurs par exemple).



Conclusion

Le bizutage est un avatar moderne des tests de soumission imposés à l’individu. A la moindre incartade, il lui sera rappelé l’humiliante épreuve dont il a fini par se rendre complice.

A ce titre, pour terminer sur une note plus tragique, les guerres ont également eu ce rôle ci, impliquant dans des massacres collectifs de jeunes gens innocents, les forçant à torture, à violer. Se garantissant ainsi de toute remise en question ultérieure par ses citoyens.

Lien vers la publication sur Agoravox

Génocide, Esclavagisme, Néo esclavagisme

Le Président Jacques Chirac à cette semaine déclaré que selon lui, la reconnaissance du génocide arménien était une condition à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Depuis le parlement déserté a voté une loi condamnant la négation de ce génocide. Pourquoi ce déficit de reconnaissance de l’immondice de l’esclavage quand les génocides sont si régulièrement dénoncés ?

La proximité entre les horreurs

Le Zapping du 6 octobre 2006 soulignait les similitudes et les contrastes entre le génocide juif, le génocide arménien et le passage de clandestins somaliens ou libyens vers l’Angleterre, marquant chaque fois une étape supplémentaire dans l’horreur (l’ordre choisi par l’équipe du zapping est respecté). Les nazis camouflaient les chambres d’extermination derrière des jardins et des forêts. Les turcs entassaient tellement les arméniens dans des wagons à bestiaux que de nombreux mouraient de faim, de soif et d’asphyxie, et leur faisaient payer leurs billets, au prétexte qu’ils ne tarderaient pas à retourner chez eux. Les passeurs d’aujourd’hui ruinent souvent des familles entières pour un billet pour Londres, Milan, Madrid, ou Dubaï, et abandonnent leurs clients sur un rafiot au milieu de la mer, les jettent à l’eau au premier risque de contrôle, les entassent dans des containeurs dans des conditions aussi dangereuses que celles des génocidaires.

Une idéologie raciste et collective a laissé place au nouveau dieu au visage rectangulaire et vert. Un dieu de papier qui fait tourner les têtes des individus comme la lumière des bougies celles des papillons de nuit. Les deux s’y brûlent immanquablement.

Pourquoi l’horreur de l’esclavage est elle minimisée ?

Depuis le génocide arménien aux massacres au Darfour, en passant par la Shoah et le Rwanda, les exactions subies par les populations leur étaient imposées, et suscitaient une résistance, ou tout du moins une résignation. L’horreur de l’extermination était occultée, ce qui explique la stupeur qui a saisi les alliés à la libération des camps.

Il y a (à peine) deux cent ans, l’esclavage était aboli en France. La structure du pouvoir qui en a résulté, l’esclavagisme, s’était bâtie tant sur les occidentaux qui planifiaient le commerce triangulaire (Europe, Afrique, Amériques, Europe…) que sur les africains qui ont vendu leurs frères. Désormais le trafic n’est plus que bilatéral : le Sud exporte massivement ses bras et ses sexes vers le Nord. C’est désormais une généralisation massive d’un esclavagisme moderne où les chaînes ont laissé place aux cadenas, ces derniers verrouillant les maigres possessions glanées par le travailleur. Le fait que tous les Etats pauvres participent à ce mouvement : africains, certes, mais aussi asiatiques, arabes, sud américains, et des anciens pays soviétiques, permet de le séparer d’une vulgaire question de racisme (sans vouloir cependant nier cette autre problématique).

La grande différence entre ces tragédies est que le regard de l’observateur nourrit sa circonspection : puisque plus aucune violence ne force l’esclavage moderne, pourquoi y a-t-il encore tant de candidats à celui-ci ? Pourquoi s’endetter et endetter sa famille, risquer sa vie pendant un transport et pour tenter sa chance en Occident, souvent dans des conditions de travail dangereuses (comme à Dubaï) et salariales qui ne suffisent pas à vivre ailleurs que dans un squat ou un appartement insalubre ? Pourquoi y a-t-il encore des candidats à l’exploitation dans le Sud de l’Italie, sans aucune garantie pour leur sécurité physique même ? Ces questions contribuent à dédramatiser une horreur librement consentie.

N’y a-t-il pas un déni inconscient de la part des occidentaux dans leur refus de compatir avec les peuples qui ont été et qui sont encore victimes de l’esclavagisme ? Nous sommes nous même sur une pente qui nous conduit vers une exploitation croissante, quand le sens de l’Histoire voudrait, à l’inverse, qu’à terme tous puissent vivre largement de leur travail et profiter du vertigineux progrès moderne. Et pourtant, alors que nous devrions nous réjouir que la machine travaille à notre place, nous sommes mis en concurrence avec elle, concurrence que seuls les pays à très bas coûts de man d’œuvre peuvent supporter (à titre d’exemple, si un ouvrier chinois est plus rentable qu’un automate, un ouvrier magrébin revient déjà plus cher à l’employeur). En limitant notre regard sur autrui aux seules considérations économiques, nous avalisons l’injustice profonde qui supporte notre modèle.

Il semble que nous revenions à un système féodal, dans lequel le travailleur sans terre ou sans outil de production est ramené à un salaire de survie. Le vassal était enraciné par la difficulté à changer de seigneurie (brigandage, faible mobilité) et par des sujétions juridiques. Désormais ce n’est plus tant la situation géographique qui est pertinente mais la nationalité, fiction juridique, dernier rempart à une immigration massive, et les liens juridiques sont non plus imposés mais « librement consentis » par contrat (encore qu’il faudrait reconsidérer la possibilité d’une violence économique comme vice du consentement).

Conclusion

Notre manque de compassion pour les victimes de l’esclavage « classique » prend sa source dans notre acceptation tacite de l’esclavage moderne, dont nous savons que le seul moyen d’endiguement serait la cessation du système de nationalité, qui seule empêche encore libre circulation des personnes, et qui devrait être le corollaire de la libre circulation des capitaux, produits et services.

Sauf à limiter ces dernières à la hauteur de la libre circulation des Hommes, afin de gommer des disparités à la source d’injustices patentes, qui elles même incitent à l’exil.